
Vivek Ramaswamy suscite beaucoup d’intérêt chez certains républicains qui le voient comme une solution de rechange à Donald Trump. Quelles sont ses chances de succès? Balade en Iowa, un État du Midwest qui sera le premier à voter lors des primaires en janvier 2024 pour tâter le pouls des républicains.
Dès 8 h en ce vendredi matin, des personnes commencent à se rassembler devant les portes du restaurant-bar sportif d’Okoboji, une petite ville sur le bord du lac du même nom, dans le nord de l’Iowa, non loin de la frontière avec le Minnesota.
Ces gens sont venus écouter Vivek Ramaswamy, 38 ans, un Américain aux origines indiennes, né en Ohio et qui a une fortune estimée à près d’un milliard de dollars. L’homme d’affaires devenu politicien et maintenant candidat à l’investiture présidentielle est devenu la nouvelle coqueluche des républicains qui souhaitent du sang neuf, de l’audace, et qui, il faut le dire, sont exténués par le comportement et les affres judiciaires de Donald Trump.
C’est le cas de Ginni, une résidente du coin qui souligne la performance de M. Ramaswamy lors du premier débat des républicains, en août dernier, sur Fox News.
Il était très bon et je me suis demandé pourquoi les autres candidats n’arrêtaient pas de l’attaquer, ce qui l’a rendu intéressant
, raconte-t-elle. Ginni a donc voulu en savoir plus, tout comme sa collègue Sheryl, qui ne veut pas que Donald Trump redevienne président et, donc, qui envisage de soutenir tout autre candidat.

Partout où il passe, Vivek Ramaswamy suscite la curiosité des électeurs républicains.
Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould
Aux abords du stationnement du restaurant, les pancartes d’appui à Vivek Ramaswany, qui portent la mention This is our 1776 moment [C’est notre année 1776]
, année de l’indépendance du pays, laissent présager que ce candidat est à la tête d’une nouvelle révolution américaine.
À l’entrée du restaurant, on distribue des dépliants qui détaillent les 10 commandements
de Vivek Ramaswamy et des casquettes blanches marquées du slogan en un mot de la campagne du candidat : Truth [Vérité]
.
Vivek Ramaswamy, qui a fait fortune dans le secteur de la finance et de la biotechnologie et qui a écrit trois livres, dont un sur l’« antiwokisme », grimpe peu à peu dans les sondages républicains. Et lorsqu’il arrive sur la scène du restaurant transformé en lieu de rassemblement politique, les applaudissements fusent de toutes parts.
Dans cet État du Midwest, il livre des messages qui plaisent. Surtout lorsqu’il prend pour cible Washington et le gouvernement. Il promet ainsi de réduire de 75 % le nombre d’employés de la fonction publique fédérale et de se débarrasser de ce qu’il appelle le Deep State
, l’État profond
, un concept qui englobe toutes les institutions fédérales qui seraient néfastes pour les citoyens, selon lui, comme le FBI, la CIA et d’autres.
Ses idées, radicales pour certains, vont de l’arrêt du financement de la défense en Ukraine au sabrage de l’appareil de l’État en éliminant, par exemple, le département de l’Éducation.

Cameron Toguchi et Tim Thomas sont venus entendre ce qu’avait à dire Vivek Ramaswamy à Okoboji, en Iowa.
Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould
Parmi la foule qui l’écoute, Cameron Toguchi, un jeune trentenaire qui a déjà voté pour le Parti libertarien, se montre très enthousiaste. C’est du sang neuf pour le parti, je pense que sa candidature va surprendre dans quelques semaines
, dit-il.
Sauf que, même s’il est en croissance dans les intentions de vote des républicains, Vivek Ramaswamy est encore loin derrière le champion, Donald Trump, qui trotte allègrement en tête, très loin devant.
Qu’importe, M. Ramaswamy a un plan : il veut l’engager comme mentor lorsqu’il sera élu président.
Chaque fois qu’elle entend cette idée, la commentatrice politique conservatrice S. E. Cupp s’amuse de la fantaisie de Vivek Ramaswamy, qui a cependant peut-être une chance de s’illustrer.
Le mouvement MAGA [« Make America Great Again », ou « Rendre à l’Amérique sa grandeur », NDLR] a déjà un candidat nommé Donald Trump et [ses partisans] se méfient profondément de tous les autres candidats, de [Ron] DeSantis à Chris Christie en passant par Nikki Haley et Mike Pence, mais j’ai l’impression que si quelque chose arrivait à Donald Trump, les « MAGA » iraient vers Vivek Ramaswamy avant tout le monde. En ce sens, je pense qu’il a une carte à jouer maintenant
, analyse Mme Cupp.

Les électeurs républicains ont été nombreux à écouter les propositions et les discours de Vivek Ramaswamy en Iowa.
Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould
Depuis le débat, Vivek Ramaswamy répète toujours ses dix commandements politiques : Dieu est réel, il n’y a que deux genres, l’épanouissement humain nécessite les combustibles fossiles et ce sont les parents qui déterminent l’éducation de leurs enfants, entre autres exemples. Autant de thèmes qui résonnent plutôt bien dans l’Iowa rural.
C’est le genre de politicien que je veux, qui parle de communauté et d’abolition du Deep State
, explique John McCarthy, un républicain de la région d’Okoboji.
Cependant, M. McCarthy est conscient que ce ne sera pas facile pour Vivek Ramaswamy de se faire accepter ici. Même s’il est né en sol américain, ses origines indiennes font en sorte, dit-il, que des endroits comme l’Iowa rural ne l’ont pas encore assimilé.
Le voisin de M. McCarthy, Gary Jones, pense-t-il que M. Ramaswamy peut battre Donald Trump lors de la primaire républicaine de l’Iowa, le 15 janvier? Non, répond-il tout en prétendant qu’il est impossible de battre M. Trump, même s’il espère toujours que Ron DeSantis aura un sursaut, sous peu, contre celui qui détient la pole position dans les intentions de vote. C’est dommage
, ajoute-t-il tout en se disant très déçu de Donald Trump.
Signe que l’Iowa, premier État à se prononcer lors des primaires républicaines, est en tout cas très courtisé, les candidats y défilent. La fin de semaine dernière, Vivek Ramaswamy y a presque croisé Ron DeSantis et Donald Trump, eux aussi venus titiller l’intérêt des électeurs.

Le candidat de 38 ans, né à Cincinnati, en Ohio, suscite beaucoup d’intérêt chez les républicains excédés par Donald Trump.
Photo : afp via getty images / STEFANI REYNOLDS
Toutefois, Vivek Ramaswamy semble malgré tout susciter beaucoup d’attention là où il passe, en se faisant prendre en photo par les curieux.
Et il a montré un petit côté improvisateur lorsque, à l’occasion de la foire de l’Iowa à Des Moines, il y a quelques semaines, il a entendu les premières mesures de la chanson Lose Yourself, du rappeur Eminem. Il s’est alors lancé au micro, récitant les paroles par cœur et suscitant des exclamations et des applaudissements dans la foule.
Une performance que n’a pas appréciée ledit rappeur, qui a demandé que le politicien cesse toute référence à son œuvre. N’empêche, médiatiquement parlant, c’était tout profit pour M. Ramaswamy.
D’une certaine manière, il sait comment jouer avec les foules, comment dire des choses scandaleuses aussi. Tout cela joue en sa faveur dans le climat actuel du Parti républicain, explique S. E. Cupp. Cela l’a certainement mené plus loin qu’il ne devrait l’être dans cette course.
Devant le restaurant d’Okoboji, Robert Fox, qui porte fièrement une pancarte qui dénigre Mike Pence, Nikki Haley, Ron DeSantis et les autres, a en tout cas fait son choix. Vivek Ramaswamy est mon homme et il pourrait aussi être le vice-président de Trump s’il ne gagne pas
, affirme-t-il. Un autre conquis qui pourrait créer une surprise lors de la primaire de l’Iowa en janvier prochain.

Robert Fox a fait son choix pour l’investiture républicaine : ce sera Vivek Ramaswamy.
Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould
Un espoir fragile, selon la commentatrice S. E. Cupp, mais un espoir quand même. Si Vivek Ramaswamy n’obtient pas de bons résultats dans l’Iowa, je ne suis pas sûre que ce sera fini pour lui. L’Iowa a peut-être souvent prédit le prochain président des États-Unis, mais il n’a pas réussi à prédire le candidat gagnant des investitures.
Alors que les militants pro-Vivek plient bagage devant le restaurant d’Okoboji, ils n’auront pas à aller bien loin puisque toute cette semaine, ils sillonneront encore l’Iowa pour présenter leur candidat, prêt pour une autre révolution américaine.