Un an après la mort de Mahsa Amini, des Iraniens racontent leur révolte et leur combat

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La révolte iranienne provoquée par la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, a chamboulé la vie de millions d’Iraniens. Un an après les événements, des Iraniens installés au Canada racontent comment le mouvement de protestation a changé le cours de leur vie.

Hossein, dont le nom a été modifié pour protéger ses proches restés en Iran, fait partie de ceux qui étaient aux premières loges de la révolte.

Dès le début des manifestations, le père de famille, qui avait, des années plus tôt, participé aux manifestations étudiantes violemment réprimées de 1999, puis au mouvement vert de 2009, est à nouveau descendu dans les rues de Téhéran pour dénoncer le régime iranien.

Au début, j’étais en colère et j’avais très peur. Mais vous savez, on ne change pas les choses en restant chez soi. Et quand on voit d’autres gens dans la rue, cela nous donne de l’espoir, raconte-t-il, dans un anglais rudimentaire.

Le père de famille, installé avec sa femme et ses enfants à Toronto depuis un mois, parle lentement et semble calme. Seules ses mains, qui agrippent fermement les bras de sa chaise, trahissent les sentiments que provoque le souvenir des atrocités dont il a été témoin.

Des dizaines de voitures bloquent une rue remplie de manifestants; des feux sont allumés sur la chaussée.

Une photo prise par un témoin lors d’une manifestation dans une rue de Téhéran, le 21 septembre 2022, montre l’ampleur des perturbations.

Photo : AP

Ils ont arrêté tellement de gens

Comme des milliers d’autres manifestants, Hossein a été arrêté à deux reprises et a passé plusieurs jours dans une cellule surpeuplée.

Il se rappelle les policiers qui s’acharnaient à coups de bâton sur les manifestants pour les forcer à monter dans un autobus et les transporter vers un centre de détention.

Un adolescent refusait de sortir de l’autobus alors ils l’ont électrocuté et l’ont passé à tabac pour envoyer un message à tous ceux qui étaient dans l’autobus, raconte-t-il.

Dans la cellule, qu’il partageait avec une cinquantaine de personnes, Hossein a cru au pire.

Je me suis dit que tout était fini et que je passerais peut-être des années en prison. J’avais très peur.

De dentiste à figure de proue de l’opposition

Comme des millions d’Iraniens de la diaspora, Hamed Esmaeilion, a regardé, à distance, les manifestations monstres et la violente répression du régime qui ont secoué son pays.

Avant la mort de Mahsa Amini, il tentait déjà, depuis deux ans, d’obtenir justice pour la mort de sa femme et de sa fille dans la destruction du vol PS752 en janvier 2020.

Un couple pose dans l'entrée d'un cabinet de dentistes.

Parisa Eghbalian et son mari Hamed Esmaeilion se sont rencontrés à la faculté de médecine dentaire et ont ouvert un cabinet dentaire après avoir déménagé au Canada.

Photo : Avec l’autorisation de Hamed Esmaeilion

La révolte qui a éclaté en septembre 2022 l’a propulsé à l’avant-scène du mouvement d’opposition.

Il a participé à l’organisation de manifestations à travers le monde et tenté de créer une coalition avec d’autres figures d’opposition comme le fils de l’ancien chah d’Iran, Reza Pahlavi.

Malheureusement, cela n’a pas fonctionné, déplore-t-il.

Selon lui, faire la révolution prendra du temps.

Une photo de famille posée sur une table.

La femme de Hamed Esmaeilion, Parisa Eghbalian (à gauche) a perdu la vie avec sa fille de neuf ans, Reera (centre), dans l’écrasement du vol PS752 à Téhéran.

Photo : CBC/Madeline McNair

Les révolutions sont imprévisibles. En Iran, on pourrait observer une nouvelle révolte d’un jour à l’autre, mais il faudra être patient pour voir les changements qui garantiront la démocratie et la liberté, dit-il, dans sa clinique dentaire d’Aurora, au nord de Toronto.

Le deuxième étage du petit bâtiment était censé permettre d’agrandir les bureaux de la clinique, mais il lui sert aujourd’hui de quartier général pour sa lutte contre la République islamique.

Je ne peux rien faire d’autre. Je vis seul chez moi et c’est comme cela que j’occupe mon temps. Je suis complètement focalisé sur cela. Je veux être une des personnes qui aidera [l’Iran] à changer, dit-il.

Ma femme et ma fille ne seront pas mortes en vain.

On s’attendait à beaucoup plus

Hamed Esmaeilion aimerait aussi que le gouvernement canadien en fasse plus pour punir le régime iranien.

Selon lui, des membres du gouvernement iranien vivent toujours librement au Canada.

Hamed Esmaeilion (gauche) aux côtés du premier ministre Justin Trudeau et de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly se recueillent lors d'une veillée aux chandelles, le soir.

Hamed Esmaeilion (gauche) aux côtés du premier ministre Justin Trudeau et de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, lors d’une veillée aux chandelles pour souligner les trois ans de la destruction du vol PS752, le 8 janvier 2023, à Toronto.

Photo : (Christopher Katsarov/The Canadian Press)

L’année dernière [le gouvernement canadien] a promis qu’il ajouterait le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) à la liste des organisations terroristes, mais il ne l’a pas fait.

L’ancien prisonnier politique et directeur général du Centre international pour les droits de l’homme à Toronto, Ardeshir Zarezadeh, abonde dans le même sens.

Si le Canada mettait le CGRI sur la liste des organisations terroristes, il pourrait introduire une nouvelle loi et interdire l’entrée au Canada de ses membres, expulser ceux qui vivent déjà ici et saisir leurs biens, soutient-il.

Même s’il rêve de démocratie pour son pays, Hossein n’est pas aussi optimiste que certains de ses concitoyens concernant l’avenir de l’Iran.

Hossein, dont le visage n'est pas visible, se touche les yeux, en sanglots.

Hossein (nom d’emprunt) a été arrêté et incarcéré pendant plusieurs jours en Iran pour avoir pris part aux manifestations antirégime qui ont suivi la mort de Mahsa Amini.

Photo : Radio-Canada / David Hill

Nous n’avons pas de leader en Iran. La plupart d’entre eux sont à l’extérieur du pays et ne font que parler. Après, ils vont boire une bière au bar. En Iran, les gens se font tuer dans la rue. Ils se sacrifient, déplore-t-il.

Selon lui, les gouvernements étrangers n’ont pas non plus intérêt à voir un changement de régime en Iran.

Les Iraniens sont seuls, lance-t-il en couvrant son visage pour cacher ses sanglots.

Installé dans un fauteuil, il prend quelques minutes pour reprendre son souffle.

J’aime l’Iran. Je n’ai jamais voulu immigrer, dit-il, la gorge nouée.

Source :Radio Canada

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