
Devant un café, cet ancien entrepreneur a accepté de revenir avec nous sur les épreuves qu’il a traversées avant d’enfin décrocher un poste à soixante ans.
Aujourd’hui responsable du développement commercial chez PICNIC, qui crée des kiosques autosuffisants en énergie, Hubert Tridon de Rey a été reçu en entrevue dans une dizaine d’entreprises pendant une période de cinq mois avant d’obtenir un emploi.
« Il y a des freins. On m’a souvent dit que je n’allais pas trouver du boulot. C’était des gens bien pensants qui me disaient : « remonte une entreprise, tu ne vas jamais trouver de travail à temps à ton âge ». »
La date de naissance d’Hubert Tridon de Rey n’était pas inscrite sur son curriculum vitae, ce n’est pas obligatoire en France, mais l’entrepreneur assure avoir bien senti que cela posait problème à l’étape de l’entretien.
On m’a fait vite comprendre que j’avais trop d’expérience et que j’allais m’embêter sur le poste
, explique-t-il.
Un phénomène répandu
S’il a finalement réussi à obtenir un poste dans lequel il s’épanouit, Hubert Tridon de Rey constate que le marché de l’emploi est loin d’être rose pour les travailleurs de sa tranche d’âge. J’ai des potes, des amis, qui ont été licenciés l’année dernière à 55 ans
, raconte-t-il.
Selon le directeur de recherche du CNRS à Sciences Po, Bruno Palier, le licenciement des employés plus âgés est un phénomène répandu en France.
Les entreprises françaises sont obsédées par le coût du travail qu’elles cherchent à faire disparaître. Donc on élimine les séniors, on fait partir les salariés âgés parce qu’ils coûtent trop cher aux entreprises. C’est pour ça qu’on a un taux d’emploi des séniors relativement bas par rapport à beaucoup de pays européens
, explique l’auteur du livre Réformer les retraites.
Selon le ministère du Travail, 56 % des Français âgés de 55 à 64 ans occupent un emploi. Si ce taux est plus élevé qu’en Belgique (54,5 %), il est plus faible que la moyenne de l’Union européenne (60,5 %). Certains pays du continent ont un taux d’emploi des 55 à 64 ans largement plus élevé, notamment l’Allemagne (71,8 %) et la Suède (76,9 %).
« Ceux qui restent dans l’entreprise, on les fait travailler très dur. C’est le paradoxe français. Vous avez moins de gens au travail parce que les séniors sont partis. »
Une solution à la réforme des retraites?
Pour la Confédération française démocratique du travail (CFDT), un meilleur taux d’emploi des Français âgés de 55 ans et plus pourrait constituer une solution de rechange à la hausse de l’âge de départ à la retraite.
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p class= »e-p »>En faisant passer l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, le gouvernement souhaite augmenter le nombre de travailleurs qui contribuent au régime et ainsi assurer la pérennité du système. En France, ce sont les cotisations des personnes actives sur le marché du travail qui financent les pensions des retraités.
Il faut travailler plus longtemps, mais on n’est pas capable de garder les gens jusqu’à l’âge légal de départ en retraite
, a récemment souligné le président de la CFDT, Laurent Berger, en entrevue sur le plateau de l’émission Quotidien.
À son avis, le système français est paranoïaque
à ce chapitre. Il est temps que les employeurs prennent en main ce sujet
, déclarait la première ministre Élisabeth Borne au moment de la présentation de la réforme en janvier.
Son gouvernement prévoit ainsi la création d’un index qui permettrait de suivre le taux d’emploi des plus expérimentés dans les entreprises composées de 300 employés et plus. Ce dispositif de la législation est en ce moment étudié par le Conseil constitutionnel, la haute instance qui doit se prononcer sur la validité de la réforme des retraites le 14 avril.
Loin des débats politiques, Hubert Tridon de Rey reconnaît qu’il y a un problème de mentalité
sur la question du travail des plus anciens en France. Mais il se réjouit d’avoir pu, après des mois de recherche, trouver une entreprise pour qui l’âge n’était pas un problème.
Ils ont choisi l’expérience plutôt que de prendre quelqu’un qui était jeune et moins cher
, dit-il, ajoutant qu’on a envie de bien faire dans ce contexte-là, de travailler positivement
.