
Un tel document, résumant l’état actuel des connaissances scientifiques sur les changements climatiques, n’est publié qu’une fois tous les six à sept ans par l’organisme. Il s’agira donc de l’épine dorsale des politiques climatiques à adopter dans les années à venir.
C’est le dernier signal d’alarme du GIEC
, souligne Patrick Bonin, responsable de la campagne Énergie-Climat chez Greenpeace Canada, en entrevue avec Radio-Canada. pour les sept prochaines années, essentiellementEt ces années-là vont avoir un impact sur des millénaires.
Des scientifiques et représentants des 195 pays membres du GIEC
étaient réunis depuis le 13 mars à Interlaken en Suisse. Ils avaient une semaine pour s’entendre sur chaque formulation et chaque information à inclure dans cette encyclopédie de la crise climatique.Le résultat : un rapport d’une centaine de pages, fournissant un plan de secours face aux multiples menaces climatiques, ainsi qu’un résumé à l’intention des décideurs mondiaux.
« Ce rapport de synthèse souligne l’urgence de prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons encore assurer un avenir viable et durable pour tous. »
Près de la moitié de la population hautement vulnérable
Vagues de chaleur extrême, insécurité alimentaire, maladies, décès… Les effets du réchauffement du climat sont déjà bien palpables, rapporte le GIEC
.Entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent dans un contexte de haute vulnérabilité aux changements climatiques, soit plus de quatre humains sur dix. Certaines régions, telles que l’Afrique centrale, l’Asie du Sud, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et les petites îles, sont particulièrement à risque.
Le niveau des mers a monté de 20 cm en un peu plus d’un siècle. L’eau potable, quant à elle, se fait de plus en plus difficile d’accès. Près de la moitié de la population mondiale est aux prises avec une pénurie d’eau durant certaines parties de l’année, en raison d’une combinaison de facteurs climatiques et non climatiques.
Les événements météorologiques extrêmes sont aussi de plus en plus fréquents.
Au cours de la dernière décennie, les décès dus aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes ont été 15 fois plus élevés dans les régions très vulnérables
, alerte Aditi Mukherji, chercheuse principale à l’Institut international de gestion de l’eau et l’une des autrices du rapport.
En cause : une hausse de la température moyenne mondiale qui a franchi la barre des 1,1 °C. Et des émissions de gaz à effet de serre qui n’ont jamais cessé de croître depuis l’ère préindustrielle.
Il y a tout de même un modeste signe de progrès, à savoir que le taux de croissance annuel des émissions a diminué depuis la décennie précédente
, remarque Taryn Fransen, chercheuse principale du programme climatique de l’Institut des ressources mondiales.
Ajuster le tir
Le dernier rapport de synthèse du GIEC
datait de 2014. L’Accord de Paris, une entente internationale signée un an plus tard, est depuis venu changer la donne. Les pays se sont entendus sur l’objectif de limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale nettement en dessous de 2 °C, et idéalement à 1,5 °C.On se rend compte que ça va être extrêmement difficile de limiter le réchauffement à un 1,5 °C
, indique Patrick Bonin. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenter de le faire. On sait que tout réchauffement supplémentaire va avoir un gros impact.
Ce gros impact
correspond, selon le GIEC , à une augmentation des risques tous azimuts pour chaque dixième de degré de plus : événements météorologiques plus extrêmes, changements irréversibles dans les écosystèmes, montée potentielle du niveau des mers de plusieurs mètres à très long terme, etc.
Selon les projections détaillées dans le rapport, si les politiques mondiales actuelles sont maintenues, la montée des températures devrait dépasser le cap du 1,5 degré dès les années 2030, et se poursuivre pour avoisiner 3 degrés d’ici la fin du siècle.
La cible de l’Accord de Paris n’est toutefois pas complètement écartée par les auteurs. Pour l’atteindre, des actions immédiates des gouvernements mondiaux sont requises. À commencer par une baisse draconienne de la consommation et de la production d’énergies fossiles.
Une limitation du réchauffement à 1,5 °C implique notamment que les émissions des gaz à effet de serre cessent de croître avant 2025 et diminuent de 43 % d’ici 2030.
Or, seulement avec les infrastructures fossiles déjà existantes, les émissions prévues dans les prochaines années dépasseraient les maximums permis pour respecter les engagements de Paris. Il faudrait donc retirer des infrastructures existantes et annuler tout nouveau projet
, résume Taryn Fransen.
Percées du solaire et de l’éolien
Nouvelle encourageante : les technologies disponibles pour freiner le réchauffement ont connu de grandes avancées depuis le rapport de synthèse précédent.
On a entre autres des évolutions majeures au niveau du solaire et de l’éolien, qui sont de plus en plus implantés et qui sont rendus les manières les moins coûteuses de produire de l’électricité dans plusieurs endroits du monde
, se réjouit Patrick Bonin.
« On a le potentiel de changer à presque 180° la production d’électricité. »
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p class= »e-p »>Une décarbonation, selon le GIEC
, doit passer par une transformation de tous les secteurs, du transport à la construction, en passant par l’agriculture.Les mesures à adopter incluent l’augmentation de l’efficacité énergétique, la protection des forêts et des écosystèmes et la réduction du gaspillage alimentaire. La plupart de ces solutions coûtent moins de 20 dollars américains par tonne de CO2 retranchée.
Injustice climatique
Étant donné le point où nous en sommes, c’est clair qu’une réduction des émissions ne sera pas suffisante
, indique David Wiscow, de l’Institut des ressources mondiales. Nous sommes confrontés à une hausse des températures, […] et cela signifie que nous devons réagir aux impacts qui vont survenir, en particulier pour les plus vulnérables.
Les populations les plus affectées par le réchauffement climatique sont aussi celles qui y contribuent le moins, analyse le GIEC
. Les auteurs du rapport insistent ainsi sur la notion de justice sociale à prioriser dans la lutte climatique.Un plus grand financement serait notamment nécessaire pour la mise en place de mesures d’adaptation, tout particulièrement dans les pays en développement.
Quelques mesures d’adaptation efficaces, selon le GIEC
:- Restauration des milieux humides;
- Aménagement d’espaces verts;
- Agroforesterie;
- Diversification agricole;
- Irrigation.
Le nouveau rapport pourrait prendre toute son importance lors des diverses négociations climatiques qui se dressent à l’horizon. Ça devient la Bible
, ce rapport-là, affirme Patrick Bonin. Il finit par percoler dans les politiques publiques, dans les ententes internationales et dans les plans d’action des gouvernements.
À la fin de l’année se tiendra la COP28 à Dubaï. C’est là qu’aura lieu le premier bilan mondial, pour évaluer l’état de la situation en vue de l’atteinte des cibles de l’Accord de Paris. L’Accord prévoit aussi que les pays prennent de nouveaux engagements avant 2025.
« Plusieurs occasions politiques de faire changer les choses s’en viennent. Il sera important de les saisir. »