
1. Qu’est-ce que le groupe Wagner?
Le groupe Wagner est un réseau de bataillons paramilitaires formés d’anciens soldats russes, d’ex-agents de renseignement, mais aussi de prisonniers, recrutés en échange de réduction de peine ou d’amnistie.
Si les milices de Wagner sont surtout sous le feu des projecteurs pour leur rôle dans l’invasion de l’Ukraine, elles sont également présentes dans d’autres régions du monde, notamment en Afrique. Le groupe offre ses services de sécurité à des régimes autoritaires, notamment en République centrafricaine et au Mali, en échange d’un tribut, qui prend souvent la forme de ressources naturelles, notamment de pierres précieuses.
Des combattants de Wagner sont souvent soupçonnés de crimes de guerre et de diverses atrocités, dont des massacres de civils et l’utilisation du viol comme arme de guerre. C’est un groupe de mercenaires, de paramilitaires, qui intervient sur des terrains de guerre lorsqu’on ne veut pas respecter les lois de la guerre
, résume Benoît Bringer, réalisateur du documentaire Wagner : Les mercenaires de la Russie, en entrevue à Radio-Canada.
C’est qu’officiellement, le groupe n’est pas une entité légale en Russie, où il n’existe pas comme tel. C’est le cas lorsqu’on veut agir sans être vu, sans être poursuivi
, soutient M. Bringer.
Le président Poutine compte vraiment sur le fait de pouvoir cacher la plupart de ses coups. Il […] fait complètement fi de ce qu’on appelle normalement les lois ou les mesures qui restreignent la violence dans un théâtre d’opérations
, ajoute le major général à la retraite des Forces armées canadiennes, Richard Blanchette.
« En faisant affaire avec un groupe comme Wagner, [Vladimir Poutine] peut vraiment travailler en toute impunité sans jamais reconnaître les liens qui le lient à des groupes qui peuvent vraiment s’apparenter à des groupes de tueurs. »
Depuis janvier, le groupe Wagner est désigné comme un groupe criminel par Washington, au même titre que la mafia et les yakuzas japonais.
2. Quel est son rôle en Ukraine?
Le groupe Wagner est présent en Ukraine dès sa fondation en 2014. Il était alors impliqué dans la guerre qui opposait des séparatistes prorusses aux troupes de Kiev dans le Donbass.
Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, le groupe paramilitaire a pris une place de plus en plus importante sur certains champs de bataille. C’est que, selon Richard Blanchette, les Russes ont eu des problèmes de mobilisation extrême
et leurs troupes ont été décimées par la défensive très efficace des Ukrainiens
.
Dès lors, le président Poutine n’a eu d’autre choix que de compter sur les hommes [de Wagner], surtout autour de Bakhmout, où ils ont joué un rôle particulièrement important
, avance M. Blanchette.
C’est en effet dans cette petite ville de l’est de l’Ukraine que le groupe Wagner a concentré ses forces ces derniers mois, épicentre de la plus longue bataille depuis le début de l’invasion.
Bakhmout, qui comptait environ 70 000 habitants avant le début de la guerre, n’est pas considéré comme un point stratégique particulièrement important. Aujourd’hui davantage un champ de ruines qu’une ville, elle est néanmoins depuis devenue un symbole important pour les deux camps, en raison de l’intensité des combats et de l’ampleur des pertes humaines.
Les services de renseignement américains estiment que le groupe Wagner mobilise environ 50 000 soldats en Ukraine, dont 40 000 seraient des prisonniers.
3. Qui est Evguéni Prigojine?
S’il a longtemps nié être le principal financier de Wagner, allant même jusqu’à poursuivre en justice quiconque affirmait le contraire, le richissime homme d’affaires Evguéni Prigojine est sorti de l’ombre depuis le début de l’offensive en Ukraine, assumant désormais pleinement son rôle comme leader du groupe de mercenaires.
Après avoir purgé une peine de neuf ans de prison sous l’ancien régime soviétique, M. Prigojine a profité de la chute de l’URSSchef de Poutine
.
Désormais oligarque, Evguéni Prigojine investira une partie de sa fortune considérable dans les intérêts interlopes de la Russie. Il finance entre autres la Internet Research Agency (IRA), un organe de propagande et de désinformation en ligne, souvent décrit comme une « usine à trolls ».
L’IRA a été particulièrement active sur le web durant les élections américaines de 2016, répandant et amplifiant de nombreuses fausses histoires sur la candidate démocrate Hilary Clinton, au profit de Donald Trump. Et aux dires de M. Prigojine lui-même, l’IRA poursuit toujours ses tentatives d’ingérence dans la politique américaine.
Selon Richard Blanchette, Evguéni Prigojine s’est depuis transformé en véritable chef de guerre
. Dans des vidéos publiées sur le réseau social Telegram, M. Prigojine apparaît souvent vêtu d’une tenue militaire, kalachnikov à la main, hurlant des ordres à ses hommes.
De nature acerbe, il s’en prend régulièrement dans ses vidéos à l’état-major de Moscou, qu’il a souvent accusé de trahison
. Au début du mois, il a directement reproché au ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, et au chef de l’état-major, Valéri Guérassimov, d’être responsables de dizaines de milliers de tués et de blessés
en Ukraine, menaçant même de retirer ses troupes de Bakhmout si l’armée russe ne lui faisait pas parvenir davantage de munitions.
4. Peut-on se fier à ses dires?
Le titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa, Dominique Arel, met en garde contre les affirmations d’Evguéni Prigojine, notamment en ce qui concerne la prise de Bakhmout.
Avant d’être tristement connu [au sein de Wagner], M. Prigojine s’est fait connaître, au sein des services de renseignement, pour ses usines de désinformation
, a-t-il rappelé, en entrevue à RDI.
« Les faux comptes, les fake news, c’est lui. […] Il faut comprendre que c’est un champion de la propagande. »
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p class= »e-p »>Sur la question empirique : est-ce qu’il a vraiment pris Bakhmout? Les Ukrainiens l’ont démenti, on verra…
, ajoute-t-il.
Une analyse de la vidéo que M. Prigojine a publiée sur son compte Instagram sème toutefois un doute dans son esprit. La vidéo que nous avons vue […] n’a pas été prise dans la petite zone, grande comme Central Park, qui était encore sous contrôle ukrainien, mais plutôt près de la gare centrale détruite, qui est sous le contrôle de Wagner depuis quelque temps
, analyse-t-il.
Et donc, nous avons Prigojine qui nous dit qu’il a conquis Bakhmout, mais l’armée russe perd du terrain. C’est encore trop tôt, on ne peut pas parler de la fameuse contre-offensive, mais il y a des signes […] que le vent est en train de tourner et que l’Ukraine pourrait faire des percées plus importantes à l’est
, ajoute le spécialiste.
C’est assez contradictoire, les informations que nous avons aujourd’hui
, résume-t-il. Il faut prendre ce que nous dit Prigojine avec beaucoup de prudence.
Avec des informations d’Hugo Prévost