« Plus de livres, moins d’écrans » : la Suède recule sur le numérique en éducation

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Pendant les cours de Philippe Longchamps, l’utilisation des téléphones portables n’est pas permise.

Au début des classes, les élèves doivent déposer leur téléphone dans un espace dédié sous le tableau. En circulant avec une boîte rouge dans les mains, l’enseignant, un Québécois installé en Suède depuis une vingtaine d’années, récupère les appareils des récalcitrants.

Les autres écrans sont aussi utilisés avec parcimonie. Pendant le cours d’histoire auquel nous assistons, les élèves sont tenus de prendre leurs notes sur du papier à la main.

Des téléphones portables rangés avant le début d'un cours dans une école suédoise.

Dans cette classe suédoise, les élèves doivent laisser leurs téléphones portables dans ce contenant.

Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair

Oui, on veut avoir des écrans. Oui, on peut avoir la technologie […], mais on veut aussi garder ce qui fonctionne de l’éducation traditionnelle. Moi, j’adore voir mes élèves prendre des notes dans leurs cahiers avec un crayon.

Si l’école bilingue Montessori de Lund, qui offre un enseignement alternatif et gratuit, a choisi une approche modérée, la Suède, elle, a beaucoup misé sur le virage numérique ces dernières années.

En 2017, le pays a adopté une stratégie mettant l’accent sur le recours aux ordinateurs et aux tablettes en classe, et ce, parfois même à partir du primaire.

À une certaine époque, on avait même déclaré la guerre au papier, se souvient l’enseignant Philippe Longchamps en parlant de l’approche choisie par Stockholm. D’ailleurs, ses élèves possèdent des ordinateurs qu’ils utilisent à l’occasion.

C’est plus facile sur l’ordinateur, confie Tea, une élève, qui explique alterner entre le crayon, le clavier et le téléphone cellulaire pour écrire.

Un élève regarde son téléphone portable à la fin d'un cours à Lund, en Suède.

Un élève regarde son téléphone portable à la fin d’un cours à Lund, en Suède.

Photo : Radio-Canada / Hugues Brassard

Des résultats décevants

En mars, la ministre suédoise responsable des écoles, Lotta Edholm, a déploré en conférence de presse un recul des compétences des élèves suédois en matière de lecture et de compréhension. Même si le pays demeure au-delà de la moyenne européenne, l’étude internationale Pirls a exposé une régression entre 2016 et 2021.

Selon la ministre Edholm, si d’autres facteurs comme la pandémie peuvent expliquer ce phénomène, les écrans ont également un rôle à jouer.

Il faut plus de livres et moins de temps d’écran dans nos écoles.

Le gouvernement suédois a donc annoncé l’investissement de l’équivalent de 60 millions d’euros dans l’achat de livres cette année. Environ 40 millions d’euros seront dépensés dans ce même but annuellement au cours des deux prochaines années.

La Suède n’est pas le seul pays européen à se poser des questions sur la place des outils numériques dans ses salles de classe.

Des élèves utilisent leurs téléphones pour regarder des planètes dans une classe en Suède.

Dans la classe de Philippe Longchamps, les élèves sont parfois autorisés à utiliser leurs téléphones portables à des fins pédagogiques.

Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair

En juin, le Danemark voisin a annoncé l’interdiction du recours aux écrans pour les enfants âgés de moins de six ans dans les établissements préscolaires.

C’est mieux pour les enfants de jouer avec des trains, de construire des châteaux de sable et de se regarder dans les yeux, déclarait ainsi le ministre danois de l’Éducation Matt Tesfaye en annonçant la loi.

Un peu plus au sud, les Pays-Bas ont aussi annoncé qu’à partir de 2024, les téléphones portables et les tablettes seront interdits dans la plupart des écoles.

Dans un rapport publié cet été, l’UNESCO lançait un avertissement contre l’usage massif des technologies dans l’éducation, un phénomène par ailleurs difficile à évaluer, vu son évolution rapide.

On s’aperçoit que souvent les investissements ne sont pas faits en toute connaissance de cause des coûts et de l’efficacité sur les apprentissages. Ça peut donc constituer dans une certaine mesure un gaspillage financier.

Le chargé de programme principal Patrick Monjouridès et ses collègues ont par ailleurs constaté qu’une grande proportion d’enseignants n’étaient pas adéquatement formés pour faire face à la présence croissante d’outils numériques dans les écoles.

Seul un enseignant sur deux dans l’Union européenne a déclaré avoir été formé à l’utilisation des technologies dans les salles de classe, souligne l’expert.

Trouver l’équilibre

À l’école bilingue Montessori de Lund, l’enseignante d’anglais, Kate Upton, est favorable à une diminution de la place réservée aux écrans.

Cette Canadienne, qui a également travaillé dans des écoles publiques de Suède, estime que le recours à l’ordinateur a un impact négatif sur la qualité d’écriture de certains élèves, notamment au niveau de l’orthographe et de l’utilisation des majuscules.

Ils ont tellement l’habitude que l’ordinateur pense à leur place, dit-elle, en référence aux logiciels de correction.

Portrait de Philippe Longchamps.

Philippe Longchamps, qui travaille à l’école secondaire Montessori de Lund, a déjà gagné le prix d’enseignant de l’année en Suède.

Photo : Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair

Philippe Longchamps, de son côté, croit au besoin de trouver un juste équilibre entre l’utilisation d’outils technologiques et le recours à des méthodes d’enseignement traditionnelles.

D’ailleurs, dans son cours d’histoire, il laisse parfois ses élèves reprendre leurs téléphones portables pour participer à des activités pédagogiques, impliquant par exemple la réalité augmentée.

Si on n’apprend pas justement à mieux utiliser le téléphone portable ou les écrans, je pense qu’on manque une belle occasion à l’école d’enseigner et de développer ce sens des responsabilités, conclut ce passionné d’éducation, qui a déjà reçu le prix d’enseignant de l’année dans son pays d’adoption.

À lire et à écouter :

Source :Radio Canada

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