
Cette locataire pense pouvoir contester le prix de son loyer, qu’elle juge excessif. À un kiosque, des employées de la Ville de Paris distribuent de la documentation à propos d’un mécanisme qui existe depuis plusieurs années déjà : l’encadrement des loyers.
Cette politique, qui vise à éviter les loyers abusifs, fixe un tarif que le propriétaire ne peut pas dépasser. Ce seuil équivaut à 20 % au-dessus du prix médian des logements locatifs du quartier dans lequel l’unité se trouve.
En cas de dépassement, un propriétaire fautif peut se voir imposer une amende allant jusqu’à 5000 euros, l’équivalent d’environ 7300 $ CA. Les propriétaires peuvent toutefois justifier un prix dépassant le seuil permis si leur bien immobilier offre des caractéristiques exceptionnelles qui justifient le tarif exigé.
Bien que la politique soit en place depuis 2019, de nombreux locataires ne sont toujours pas au courant du mécanisme.
Non, on ne savait pas
, s’étonnent deux femmes rencontrées tout juste à côté du kiosque de la Ville de Paris.
En 2022, le prix moyen pour un appartement d’une pièce de 25 mètres carrés était de 850 euros par mois, l’équivalent de 1250 $ CA.
Source : Franceinfo
Plus de 30 % de dépassements
La fondation Abbé Pierre, qui se penche notamment sur les questions liées au logement, a constaté qu’environ 30 % des appartements de la capitale dépassent le seuil imposé par la politique d’encadrement des loyers. Le constat est particulièrement frappant pour les petites surfaces, soit les logements de moins de 20 mètres carrés.
Selon le directeur de la recherche de l’organisme, Manuel Domergue, cette situation s’explique en partie par la méconnaissance du mécanisme d’encadrement de la part d’une partie des locataires, mais aussi par les tensions qui existent dans le marché du logement parisien.
Le locataire est déjà bien content d’avoir trouvé un loyer et il paye ce qu’on lui demande, même s’il a peut-être conscience que ce n’est pas tout à fait légal
, explique-t-il.
Manuel Domergue souligne par ailleurs que la préfecture de police, responsable de l’application des sanctions au cours des dernières années, a imposé très peu d’amendes au cours des dernières années. Des amendes qui ne sont pas très importantes et qui sont très rares, quelques dizaines
, précise-t-il.
« C’est comme quand il y a des limitations de vitesse sur la route. S’il n’y a pas de radar, la plupart des gens ne respectent pas forcément les limites de vitesse. Donc il faut des amendes raisonnables, mais qui soient médiatisées et connues. »
La Ville prend les choses en main
Depuis le 1er janvier, le pouvoir d’application de l’encadrement des loyers a changé de mains. La responsabilité incombe maintenant à l’administration municipale.
C’est une petite révolution
, se réjouissait à la fin de l’année dernière l’élu responsable du logement à la Ville de Paris, Ian Brossat.
Pour encourager les locataires à dénoncer un loyer dépassant le seuil permis, les autorités municipales ont mis en place une plateforme qui permet de déterminer si le prix exigé est conforme et, en cas de dépassement, de porter plainte. En un mois, plus de 140 signalements ont été effectués.
Une initiative qui s’inscrit dans une politique plus large de l’administration municipale visant à rendre les loyers plus abordables dans la capitale.
« Qu’est ce qui interdit aujourd’hui à une infirmière, à une assistante maternelle, à un policier de vivre à Paris? Qu’est-ce qui leur interdit l’accès au logement parisien? Ce sont les loyers et c’est le prix du logement privé. »
L’encadrement des loyers défendu par la Ville se heurte depuis des années à l’opposition de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI).
De l’avis de l’administrateur de l’UNPI, Frédéric Pelissolo, cette mesure ressemble davantage à une fixation administrative
des prix plutôt qu’à un encadrement.
Ce propriétaire de plusieurs biens immobiliers en région parisienne tient à souligner qu’à son avis il est normal que les prix des appartements soient plus élevés sur le territoire de la Ville de Paris, dont la superficie est beaucoup plus petite que celle de villes comme Londres ou Berlin.
Frédéric Pelissolo ajoute que des mesures comme l’encadrement des loyers pourraient refroidir certains propriétaires à s’aventurer sur le marché immobilier, contribuant ainsi à faire une pression sur l’offre de logements.
« Il n’y a un locataire que par la volonté d’un propriétaire qui décide de mettre son bien en location et, si on les dissuade de le mettre en location, il va y avoir des tensions. D’ailleurs, ces tensions commencent à apparaître. »
<
p class= »e-p »>L’association assure qu’elle poursuivra ses efforts visant à suspendre la politique. L’an dernier, elle a obtenu une suspension partielle de l’encadrement des loyers pour certains baux en raison d’un manque de documentation. Mais le mécanisme lui-même n’a pas été remis en cause, même qu’il a reçu l’aval du Conseil d’État, la plus haute instance administrative de France.
En plus de Paris, l’encadrement des loyers est en vigueur dans plusieurs autres villes du pays, comme Lille et Lyon.