L’ombre de la Chine plane sur les élections taïwanaises

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À deux mois des élections présidentielles à Taïwan, l’ombre de la Chine plane sur la campagne électorale. Les questions de l’avenir des relations Chine-Taïwan, de la démocratie et des droits fondamentaux sont les enjeux principaux.

Dans son premier grand rassemblement de campagne, la semaine dernière, le vice-président sortant et candidat présidentiel pour le parti au pouvoir depuis huit ans, le Parti démocrate progressiste (PDP), Lai Ching-te, donnait le ton.

Il a promis sous les applaudissements de maintenir la paix dans le détroit de Taïwan. Il a ajouté vouloir défendre démocratie et libertés fondamentales en collaborant avec les partenaires démocratiques de la petite île de 24 millions d’habitants.

Lai Ching-te parle dans un micro.

Lai Ching-te s’adresse à ses partisans, le 4 novembre dernier.

Photo : Getty Images / SAM YEH / AFP

Un peu partout à Taipei, les affiches du Kuomintang (KMT), principal parti d’opposition traditionnellement conciliant avec la Chine, clament sa capacité à établir un dialogue avec l’Empire du Milieu. Paix dans le détroit de Taïwan. On ne veut pas la guerre, peut-on lire sur les affiches avec le portrait du candidat présidentiel Hou Yu-ih.

À chaque élection à Taïwan, la question la plus cruciale est bien sûr la relation entre Taïwan et la Chine, affirme Shih Ping-Fan, professeur au département d’études sur l’Asie de l’Est à l’Université nationale de Taïwan. D’autres sujets existent, mais sont de moindre importance. Qu’il s’agisse de questions économiques ou sociales, elles sont moins importantes.

La présidente sortante issue du parti nationaliste PDP – détestée par Pékin qui la qualifie d’indépendantiste – Tsai Ing-wen se retire après deux mandats. Selon la constitution, elle ne peut pas se représenter. Par contre, son parti demeure en avance.

Une panneau publicitaire sur lequel deux hommes sourient.

Une affiche du candidat présidentiel Hou Yu-ih

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

Les relations entre les deux rives du détroit ont toujours été une question incontournable lors des élections à Taïwan, soutient Chang Chun-Hao, professeur de science politique à l’Université Tunghai de Taichung. Lors de cette élection, il est possible que le PDP reste au pouvoir. Cela soulève des questions sur la manière dont le président chinois, Xi Jinping, mettra en œuvre les mesures correspondantes pour traiter avec Taïwan.

C’est un domaine que je trouve particulièrement intéressant à observer à ce stade-ci. Le but ultime de la Chine est d’empêcher Lai Ching-te et le PDP de gagner.

Le parti au pouvoir et détesté par Pékin est en avance

En effet, l’appui au candidat du PDP oscille autour de 32 % dans les sondages, alors que les candidats du Kuomintang et du Parti populaire taïwanais (TPP) récoltent entre 20 et 22 % des appuis, et que le candidat indépendant, cofondateur du géant des semiconducteurs Foxconn, Terry Gou, obtient entre 5 et 10 % des appuis.

Cette dynamique à quatre candidats (pour l’instant, car des discussions d’alliance stratégique alimentent les nouvelles dernièrement) est inédite dans le paysage politique de Taïwan, dominé par le Kuomintang et le PDP depuis le virage démocratique de 1989.

Terry Gou parle dans un micro lors d'une conférence de presse et lève le poing en s'adressant à la foule.

Terry Gou est cofondateur du géant taïwanais de l’électronique Foxconn.

Photo : Getty Images / SAM YEH / AFP

Le cas du candidat du TPP, Ko Wen-Je, ancien maire de Taipei et jeune vedette montante de la politique, est intriguant pour plusieurs analystes. Il se montre ouvert lui aussi à la position chinoise.

Vous pouvez également voir que récemment Ko Wen-Je a tenté de nommer une ressortissante chinoise comme candidate à la législature, ce qui a suscité une importante controverse à Taïwan.

Il est aussi possible que la relation Taïwan-Chine ne se détériore pas pour autant si le PDP demeure au pouvoir.

Ko Wen-Je parle dans un micro.

Ko Wen-Je

Photo : Getty Images / I-HWA CHENG / AFP

Je pense qu’il faut éviter l’erreur qui est faite par certains et qui est poussée dans l’intérêt politique d’autres, de dire qu’une victoire du PDP nous amène de manière inéluctable à un conflit militaire dans le détroit de Taïwan, avance Mathieu Duchâtel, directeur des études internationales de l’Institut Montaigne.

En fait, on voit bien que les choses sont plus compliquées que ça, qu’il y a une possibilité de gestion pacifique de cette relation, qu’une victoire du PDP peut aboutir à ce que le candidat élu dise des choses qui permettent tout à fait de maintenir une certaine stabilité dans le détroit.

Ingérence chinoise appréhendée

À Taïwan, qui recense cinq millions d’attaques informatiques chaque jour, presque uniquement de la Chine, les craintes de manipulation et d’ingérence sont fortes. À un point tel que le ministère de la Justice diffuse dans les médias et dans le métro de Taipei des annonces incitant à la méfiance envers la désinformation chinoise.

C’est parce que la société taïwanaise demeure très inquiète à l’égard de la Chine, affirme Shih Ping-Fan. Je considère cela comme un phénomène de société. Ainsi, plus la Chine tente d’intervenir de manière évidente dans le processus électoral, plus les Taïwanais s’y opposent. Plus la Chine s’implique, plus elle risque de susciter de l’aversion.

En 2020, par exemple, un an après le dépôt du projet de loi anti-extradition à Hong Kong, les Taïwanais, inquiets, ont voté à nouveau en faveur du PDP. Le cas des élections municipales de Taïwan l’an dernier est aussi intéressant.

À la fin de l’année dernière, nous avons eu des élections locales au cours desquelles le PDP a essuyé quelques défaites, explique Chang Chun-Hao. Cela pourrait en partie être attribué à l’implication significative de la Chine dans les élections à Taïwan l’année dernière.

Il y a eu des exercices militaires importants menés par la Chine en réaction à la visite à Taïwan de Nancy Pelosi qui était présidente de la Chambre américaine des représentants. Après ces exercices, il a semblé que l’opinion publique taïwanaise penchait davantage vers des relations pacifiques.

Ce changement d’opinion publique pourrait également influencer la position du futur parti au pouvoir sur les relations entre les deux rives du détroit. Même si le PDP est traditionnellement considéré comme un parti résistant à la Chine, après ces élections, je pense que le PDP pourrait procéder à quelques ajustements.

Sur cette photo publiée par l'agence de presse Xinhua, un avion de chasse chinois J-15 décolle du porte-avions Shandong lors d'exercices militaires autour de l'île de Taïwan.

Un avion de chasse chinois J-15 décolle du porte-avions Shandong lors d’exercices militaires autour de l’île de Taïwan, en mai dernier.

Photo : Associated Press / An Ni

Aussi importante soit la question des relations avec la Chine communiste qui n’a jamais dirigé l’île démocratique et souveraine de Taïwan, mais qui la considère comme son territoire, il serait faux de croire qu’il s’agit du seul enjeu de la campagne électorale.

À ce stade, oui, je pense que c’est réducteur de voir cette élection comme un référendum sur les relations avec la Chine, croit Mathieu Duchâtel. Il y a quand même dans la campagne des sujets de politique intérieure taïwanaises, par exemple sur la nature du système de sécurité sociale, sur les niveaux de dépenses.

On a aussi un sujet autour de la question des valeurs, des valeurs plus ou moins libérales, plus ou moins conservatrices. Je pense qu’il ne faut pas négliger cette dimension-là. Mais bien sûr, la question des relations avec la Chine est absolument centrale. La question est : est-ce que cette question sera décisive ou non?

Le sprint de campagne approche à grands pas. Les Taïwanais se rendront aux urnes dans deux mois, le 13 janvier prochain.

À lire aussi :

Source :Radio Canada

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