L’intelligence artificielle, pierre de Rosette du langage des cachalots

Vues : 28
0 0
Durée de lecture :4 Minute, 52 Secondes

Des chercheurs tentent de décrypter ce que se racontent les cachalots avec l’aide de l’intelligence artificielle. Leur projet, appelé CETI, va bientôt faire paraître ses premiers articles scientifiques sur le sujet.

Lancé au début de 2022, le projet CETI est une collaboration entre des chercheurs spécialisés en biologie marine ainsi que des experts de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage profond. Leur objectif? Déchiffrer le langage des cachalots.

Un des volets du projet consiste à utiliser des sons enregistrés au cours des 15 dernières années pour décrypter les communications de ces baleines. Les cachalots communiquent entre eux avec ce qu’on appelle des codas, des clics qui suivent certains rythmes, ce qui ressemble un peu au code morse.

À l’heure actuelle, les chercheurs tentent de comprendre non seulement la signification d’un son en particulier mais aussi le contexte dans lequel ce son est émis.

Pour comprendre pourquoi les animaux se parlent entre eux, qu’est-ce qui est si important qu’ils échangent des sons, nous devons savoir qui dit quoi, mais le « où » et le « quand » sont aussi très importants dans le contexte social, explique Shane Gero, un des chercheurs qui pilotent le projet CETI ainsi que scientifique en résidence à l’Université Carleton, à Ottawa.

Mettre toutes ces données ensemble pour voir les similitudes, c’est l’expertise de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage profond. Ils prennent des données qui ne semblent pas avoir de liens et voient les schémas, et ça, c’est très excitant.

L’apport de l’intelligence artificielle vient grandement changer le travail du biologiste. Ça me prenait entre 8 et 12 minutes d’analyse par minute d’enregistrement. Maintenant, on peut faire ça beaucoup plus rapidement, note Shane Gero.

La queue d'un cachalot sous l'eau.

Les cachalots communiquent entre eux avec des clics qui font penser au code morse et qui sont très différents des chants des autres baleines.

Photo : Getty Images

Comprendre le langage des cachalots pourrait notamment permettre de mieux assurer leur protection.

Par exemple, si nous savons qu’un son est essentiel pour qu’une baleine puisse se nourrir, alors nous pouvons nous assurer que l’océan est silencieux à ce moment-là pour qu’elle puisse trouver de la nourriture. Mais nous devons savoir de quel son il s’agit, estime Michelle Fournet, professeure adjointe en bioacoustique marine à l’Université du New Hampshire.

Cette scientifique se spécialise dans les baleines à bosse, mais elle connaît bien le travail mené par le projet CETI, dont elle s’inspire.

Si nous ne savons pas ce que les échanges veulent dire, alors nous n’avons aucune idée de la réduction de son que nous devons faire, nous ne pouvons pas changer nos comportements pour assurer la survie des baleines, explique-t-elle. Nous devons savoir ce que les animaux font pour ensuite aller voir les décideurs et dire : « Ne dérangez pas les cachalots quand ils mangent » ou « n’interrompez pas une mère qui tente d’allaiter son petit ».

Connaître les sons émis par des animaux ou par des groupes d’animaux pourrait aussi permettre de les détecter à distance, de façon automatisée, avec des drones, par exemple.

Des cachalots sous l'eau.

Il y aurait de 200 000 à 450 000 cachalots dans le monde.

Photo : Getty Images / Andrew Sutton

Et les autres espèces?

À quel point ce que les scientifiques ont mis au point pour une espèce peut-il s’appliquer à d’autres espèces de mammifères marins?

Les grands principes du projet CETI demeureront pertinents, mais il faudra élaborer des modèles d’intelligence artificielle pour chacune des espèces, explique la bioacousticienne Michelle Fournet.

Là où ce sera très utile pour les chercheurs qui travaillent sur les communications d’autres mammifères marins, c’est de savoir là où le projet CETI a réussi mais aussi là où il a échoué pour éviter de répéter ces erreurs, note-t-elle.

Le recours à l’intelligence artificielle semble galvaniser la communauté scientifique, si bien que la chercheuse évoque une renaissance de la recherche sur les mammifères marins.

Olivier Adam travaille sur les sons des mammifères marins depuis plus de 20 ans. À la fois bioacousticien et informaticien, ce professeur à l’Institut d’Alembert de la Sorbonne entrevoit des avancées considérables au cours des prochaines années.

On n’a jamais été aussi près de comprendre les langages des mammifères marins, dit-il.

Le travail qui a été fait dans les 20 dernières années en intelligence artificielle et dans les réseaux de neurones est tellement spectaculaire que dans les cinq prochaines années, ça va être encore 10 fois, 100 fois mieux.

Toutefois, il reste des problèmes techniques.

L’intelligence artificielle doit être entraînée à reconnaître les sons de chacune des espèces. Pour y parvenir, il faut savoir quels sons sont introduits dans le modèle, un travail d’identification qui doit être fait par un être humain et qui nécessite beaucoup de temps.

La queue d'un cachalot hors de l'eau.

Le cachalot est présent dans tous les océans et dans la plupart des mers.

Photo : Getty Images / Tane Mahuta

À quand des conversations avec des cachalots?

L’idée de converser avec une baleine fait rêver, mais le biologiste Shane Gero assure que ce n’est pas le but du projet CETI.

Nous essayons de comprendre en profondeur quelque chose qui nous est totalement étranger pour savoir ce qui est important pour eux, les animaux, explique-t-il. Et les écouter, comprendre leurs besoins et adapter nos comportements humains est vraiment ce que nous recherchons.

Malgré tout, M. Gero croit possible que nous puissions un jour communiquer avec les cachalots. Nous y réfléchissons déjà, avant que ce soit imminent, parce que je pense qu’il y a beaucoup de façons respectueuses de penser à ce que ça voudrait dire et à comment le faire.

À lire et à écouter :

Source :Radio Canada

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %

Average Rating

5 Star
0%
4 Star
0%
3 Star
0%
2 Star
0%
1 Star
0%

Laisser un commentaire

Next Post

Joseph Boakai, nouveau président du Libéria

dim Nov 19 , 2023
Joseph Nyumah Boakai, vétéran de la vie politique libérienne, est parvenu à s’imposer face au président sortant et légende du football, George Weah. À 78 ans Boakai est le nouveau président du Liberia. Il a promis de former un gouvernement « inclusif » dans un pays qui a été marqué par plusieurs décennies de guerre […]

Vous pourriez aimer

Verified by MonsterInsights