Les promesses de François : l’odeur de la révolution

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Le pape François, à genoux, lave les pieds de prisonniers.

Le pape François a voulu se démarquer de ses prédécesseurs dès son arrivée à la tête du Vatican, en 2013, notamment en se rapprochant des populations pauvres et vulnérables, dont des prisonniers, à qui il a lavé les pieds.

Photo : Reuters / Osservatore Romano

La promesse d’une Église nouvelle

Premier pape sud-américain, premier jésuite, premier non-Européen à être élu. L’élection du cardinal Bergoglio n’a rien d’ordinaire. Et dès les premiers jours, on comprend que ce pape qui fréquentait le moins possible le Vatican et n’aimait pas particulièrement Rome prend un malin plaisir à bousculer le clergé et les traditions, comme le fait remarquer Lou Besmond de Senneville, du quotidien La Croix à Rome.

« Un des premiers voyages de François [en juillet 2013], c’est au Brésil, où il rencontre des jeunes Argentins dans un stade. Et il leur dit : « Mettez le bazar dans l’église, mettez le bordel dans l’église! » Il est persuadé qu’il faut secouer la machine pour qu’il en sorte quelque chose de meilleur. »

— Une citation de  Lou Besmond de Senneville, du quotidien La Croix à Rome

On pourrait presque y voir une invitation à l’insurrection! Avec de courtes phrases, qui ressemblent à des slogans pour son pontificat, il soulève les foules. La plus célèbre? Qui suis-je pour juger? qu’il lance candidement en parlant de l’homosexualité et de la foi.

On a du mal à y croire! Depuis 2000 ans, l’Église n’a fait que ça, juger. À commencer par l’homosexualité! Et puis les femmes à qui on refuse l’égalité. Et les divorcés qui veulent se remarier à qui on interdit l’amour. Et ces milliers de victimes de criminels en soutane qu’on a privés de justice et de dignité. Alors, Qui suis-je pour juger?, la liste de tous ceux qui sont en état de choc est longue.

Dès le soir de son élection, François ratisse large et frappe fort. Comme s’il y avait urgence, qu’il lui fallait agir avant qu’il n’en ait plus la force. Les migrants, les divorcés, l’avortement, les communautés gaies et même les Autochtones du Canada. Comme s’il avait médité son coup bien avant d’être élu.

Sa personnalité? C’est un homme en colère, dit le sociologue français Dominique Wolton, qui a obtenu une douzaine de rencontres privées avec le pape pour discuter politique, société et tutti quanti. Il est en colère contre les injustices. Donc, il n’est pas particulièrement tendre.

La sainte colère?

La colère?! Ce n’est pourtant pas l’image qu’on se fait de ce pape si souriant qui embrasse tous les bébés qu’on lui présente. Et pourtant, cette colère explique tout.

« Il veut une Église des pauvres. Pour lui, l’Église, c’est les pauvres. Pas des riches. Vous imaginez bien que cette position, elle n’est pas partagée. C’est insupportable. »

— Une citation de  Dominique Wolton, sociologue français
Le pape François et un bébé, au milieu de centaines de personnes.

Le pape François embrasse un bébé, ce qu’il fait régulièrement lors de ses bains de foule, à Rome.

Photo : Reuters / Alessandro Bianchi

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p class= »e-p »>On dirait que ce pape parle d’une Église nouvelle. Humble, ouverte et humaine. C’est ça, le projet de François. Une vision de l’institution catholique qui ne pouvait faire autrement que d’entrer en collision frontale avec ceux qui donneraient tout pour sauver les traditions de l’Église.

Guerre civile dans l’Église?

Pour les traditionalistes, ce pape banalise le sacré et le divin. Par exemple, l’institution du mariage. Au nom de quelle autorité morale ou divine se permet-il d’ouvrir la porte aux divorcés catholiques qui veulent refaire leur vie?

Aux yeux des traditionalistes, le pape François n’est qu’un hérétique dont l’Église doit se débarrasser! Ils font circuler des pétitions, mettent en doute son autorité, organisent des manifestations.

Pour Marco Politi, un des plus grands spécialistes des affaires vaticanes, c’est la guerre civile dans l’Église. L’opposition se sent plus libre et très agressive. Certains évêques, dit-il, semblent prier pour sa mort avant qu’il ne ruine l’Église.

Marco Politi en entrevue, à l'extérieur.

Marco Politi, journaliste italien, spécialiste du Vatican

Photo : Radio-Canada / Alain Crevier

Déjà, en 2015, l’historien traditionaliste Roberto de Mattei craignait que le pape François finisse par provoquer une calamité, un schisme dans l’Église. Une honte! À un certain moment, tout ça va éclater et quand ça éclatera, la crise va être très rapide et très violente, avait-il prévenu.

La détermination et la résistance des traditionalistes comme Roberto de Mattei étaient sans faille. Ils ont bien cru arriver à faire tomber le pape, le forcer à démissionner.

Roberto de Mattei en entrevue avec Alain Crevier.

Roberto de Mattei, historien traditionaliste.

Photo : Radio-Canada

La bataille que personne ne gagne

J’ai revu Roberto de Mattei récemment en banlieue de Rome. L’homme que j’avais devant moi maintenant n’était plus tout à fait le même. Surtout déçu. Un peu défait. J’étais surpris. Avec ce pape maintenant en fauteuil roulant, j’ai cru qu’ils n’en avaient plus pour longtemps avant de crier victoire.

Mais ceux qui se percevaient comme les sentinelles de la foi sont en déroute.

François est arrivé à semer la confusion dans le camp des traditionalistes qui sont bouleversés, m’avoue Roberto de Mattei. Certains ont perdu la volonté de se battre. D’autres ont abandonné l’Église et sont allés chez les chrétiens orthodoxes de Moscou.

Le pape François en fauteuil roulant.

Le pape François connaît plusieurs problèmes de santé depuis quelque temps et se déplace désormais surtout en fauteuil roulant.

Photo : Getty Images / Christopher Furlong

J’admets avoir sursauté! D’entendre Roberto de Mattei me dire que ses amis, des traditionalistes catholiques, ont choisi de rejoindre le patriarche Kirill de Moscou, celui-là même qui appuie ouvertement Poutine dans sa guerre contre les Ukrainiens. C’est à n’y rien comprendre.

Il y a ceux qui pensent que Poutine est le champion des valeurs traditionnelles alors que Poutine est appuyé par le patriarcat de l’Église orthodoxe russe.

Je suis sorti de cette rencontre étonné et songeur.

Et la révolution?

Dix ans. François a résisté aux assauts des traditionalistes.

Il a nettoyé les comptes de la banque du Vatican. Il a réformé l’administration et la Constitution. Il a mis de l’ordre dans la maison pontificale. Il a embrassé des milliers de bébés, place Saint-Pierre. Il a salué tous les migrants du monde. Et fait de nombreuses prières pour la paix.

Mais qu’en est-il de l’autre révolution? Celle que tout le monde attendait? Changer l’attitude de l’Église, la rendre moins tribunal, humble et responsable? Une Église dont la devise serait Qui suis-je pour juger? Était-ce donc qu’une illusion?

Changer une constitution, c’est une chose. Changer les mentalités, c’en est une autre. Dix ans, c’est trop peu pour redessiner une institution vieille de 2000 ans.

Pour en apprendre davantage sur les 10 ans du pape François, ne manquez pas le documentaire Les promesses de François, diffusé le samedi 11 mars sur les ondes de RDI à 18 h 30, puis en rediffusion le dimanche 12 mars à 21 h 30.

Source :Radio Canada

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