
La quête aux innovations technologiques vertes est en plein essor à travers le monde et beaucoup fondent leurs espoirs sur l’énergie solaire.
En une heure, la Terre reçoit en énergie solaire l’équivalent de ce que l’on consomme en une année
, estime le professeur Mario Leclerc, directeur scientifique du Réseau canadien du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (Nouvelle fenêtre) (CRSNG) sur l’électronique imprimée verte (GreEN).
On estime que nos besoins énergétiques vont augmenter de 47 % au pays d’ici 2050, selon la Régie de l’énergie du Canada.
Le Canada est parmi les champions mondiaux, avec l’Arabie saoudite, de la consommation d’énergie par [habitant]
, renchérit Mario Leclerc.
Seul 0,3 % de notre électricité provient de l’énergie solaire, mais déjà on entrevoit des problèmes avec les appareils vétustes. Le Canada pourrait accumuler jusqu’à 800 000 tonnes de panneaux solaires (Nouvelle fenêtre) en fin de vie en 2050, selon les calculs de l’International Renewable Energy Agency, et le recyclage de ces panneaux s’annonce compliqué.
De plus, ces panneaux sont lourds et coûteux, ce qui les rend peu accessibles.
C’est pourquoi l’Université de Calgary s’est lancée, comme de nombreuses autres universités au Canada et à travers le monde, dans la recherche de solutions durables, notamment grâce à l’électronique verte imprimable.
Le professeur et chimiste Gregory Welch a fondé il y a sept ans le groupe de recherche Welch au sein du Département de chimie de l’Université de Calgary, un laboratoire où les étudiants peuvent non seulement développer des matériaux durables pour la conversion, les stockages et l’efficacité énergétique, mais aussi être en mesure de les utiliser dans le développement d’appareils électroniques et de tester leur efficacité.
En 2018, le programme a reçu des imprimantes à la fine pointe de la technologie permettant au groupe d’imprimer des prototypes de leurs appareils électroniques pour passer de la théorie à la pratique.
« Nous allons vraiment du design de matériaux moléculaires jusqu’à la création de prototypes dans notre laboratoire, le tout fait à l’interne par notre équipe sans avoir besoin de laboratoires externes. C’est assez unique au Canada. »
Des panneaux imprimables, recyclables et non toxiques
L’objectif initial de l’équipe était de développer une peinture ou une encre organique et non toxique permettant d’absorber l’énergie solaire de façon efficace.
Sept ans plus tard, l’équipe est prête à commercialiser son prototype sous le nom de DME Tech Inc. – DME pour Dyes Materials Energy. Les chercheurs sont en mesure d’imprimer des cellules photovoltaïques de plusieurs mètres sur un film de plastique à faible coût grâce à leurs imprimantes en laboratoire.
Nous serons les premiers à développer cette technologie à un niveau industriel ici au Canada
, s’enthousiasme Anderson Hoff, un postdoctorant qui travaille à améliorer l’efficacité des cellules photovoltaïques organiques imprimées.
Le prototype d’Anderson Hoff atteint une efficacité de près de 20 % en laboratoire et conserve 80 % de son efficacité initiale après un an. Ce qui est excellent lorsque l’on considère que ces cellules ne sont pas encapsulées [protégées]
, précise Anderson Hoff, qui travaille d’ailleurs à trouver un laminage de protection qui ne nuira pas à l’efficacité de la cellule.
Cette efficacité chute entre 10 et 15 % une fois les cellules interconnectées entre elles pour former un panneau solaire, ce qui reste raisonnable pour commercialiser cet appareil
, croit le chercheur.
L’efficacité énergétique d’une cellule photovoltaïque représente la quantité d’énergie solaire transformée en électricité, où une valeur de 100 % représente toute l’énergie solaire entrée dans le système. Plus ce taux d’efficacité est élevé, plus le projet est rentable.
À titre comparatif, les moteurs de nos véhicules à essence ont une efficacité de 20 %, donc seulement 20 % de toute l’énergie produite par l’essence sert au bout du compte à faire avancer le véhicule, selon le département de l’Énergie des États-Unis.
Les concurrents
Il existe déjà une technologie de cellules photovoltaïques imprimées sur film, les cellules photovoltaïques à pérovskite, un minéral d’oxyde de calcium et de titane. Celles-ci atteignent aujourd’hui une efficacité moyenne de 25 %, toujours selon le département de l’Énergie des États-Unis, mais elles ne sont utilisables que quelques mois avant de devoir être remplacées.
Elles contiennent aussi du plomb dans sa fabrication, une matière toxique pour l’environnement que nous avons déjà enlevée de nos peintures et de notre essence.
Les grands panneaux solaires conventionnels à base de silicium atteignent quant à eux une efficacité d’environ 30 % et ont une durée de vie de 20 à 30 ans, à titre comparatif.
Nous n’avons pas besoin d’atteindre les mêmes seuils de performance que les panneaux en silicium
, estime Anderson Hoff.
« Nous pouvons couvrir des zones très larges. […] Nous pouvons imprimer sur des imprimantes à rouleau et réduire les coûts. Nous pouvons aussi utiliser le matériel de façon qui est jusqu’ici impossible pour les panneaux de silicium. »
Le chercheur fait référence ici à la semi-transparence de ses cellules photovoltaïques, notamment, ce qui permet d’appliquer le film sur des panneaux solaires conventionnels pour améliorer leur performance ou d’utiliser le ruban plastique dans le domaine de l’agriculture, dans la construction de serre ou dans les champs.
Nous pouvons les installer dans une serre tout en permettant à une quantité de lumière de pénétrer dans la serre et d’aider les cultures à pousser
, renchérit Anderson Hoff.
Cela permettrait aux joueurs de l’agriculture et de l’énergie solaire de trouver un certain terrain d’entente. En effet, actuellement, ces industries se font parfois concurrence pour accéder à des terres. Les deux ne sont pas compatibles, puisque les panneaux en silicium sont opaques et rien ne peut pousser en dessous.
Le plus grand projet d’énergie solaire au Canada, le Travers Solar Project à Vulcan, en Alberta, occupe l’équivalent de 1800 terrains de soccer dans les prairies, par exemple, et produit assez d’électricité pour alimenter 150 000 maisons.
Le prototype de l’Université de Calgary possède un autre avantage sur les panneaux de silicium, il est en mesure d’absorber la lumière des ampoules à diodes électroluminescentes organiques avec 25 à 30 % d’efficacité, ce que ne peuvent faire les panneaux solaires conventionnels.
« De nos jours, nous avons tous ces appareils intelligents, l’Internet des objets, qui ont besoin d’électricité, besoin de piles. Idéalement, ce que nous aimerions faire, c’est installer nos appareils [cellules photovoltaïques] à l’intérieur des édifices et ils peuvent remplacer les piles qui sont toxiques ou, du moins, allonger la vie de ces piles. »
Encore loin de la coupe aux lèvres
La technologie est prometteuse, mais tous les experts s’entendent pour dire qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que celle-ci se retrouve dans nos vies de tous les jours.
Bob McDonald, auteur du livre The Future is now – Solving the climate crisis with today’s technology (Le futur c’est maintenant – Résoudre la crise climatique avec les technologies d’aujourd’hui) est catégorique : Nous entrons dans une nouvelle ère verte, une nouvelle révolution industrielle
.
Malheureusement, l’étape de la commercialisation est la plus difficile à surmonter, selon lui.
Tous ces incroyables matériaux abordables, organiques, verts et recyclables développés en laboratoire rencontrent des difficultés quand ceux-ci sont produits à grande échelle
, estime l’écrivain et animateur de l’émission Quirks and Quarks à CBC.
« C’est la vallée de la mort! Beaucoup de bonnes idées fonctionnent à petite échelle, mais ne fonctionnent pas toujours à grande échelle. Ça prend des investissements ou le soutien du gouvernement pour développer ces projets. »
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p class= »e-p »>Anderson Hoff garde espoir. Il vient d’incorporer sa compagnie et cherche du financement, des espaces de bureau et de l’équipement pour développer ses cellules photovoltaïques.
L’un des avantages de ce prototype, c’est que les imprimantes nécessaires existent déjà sur le marché et l’investissement est accessible.
C’est de l’imprimerie à rouleau, à l’air libre, à la même pression atmosphérique
, explique le professeur Mario Leclerc du GreEN. Pas besoin de salle blanche. Avec un million de dollars, vous pouvez fabriquer des cellules solaires imprimables. Si vous le faites en silicium, il faut sortir au minimum un milliard de dollars avant d’être industriellement compétitif.
Et si, pour une raison ou une autre, ça ne fonctionne pas, tout n’est pas perdu, croit le superviseur des travaux d’Anderson Hoff, Gregory Welch.
Notre but, c’est de former la prochaine génération de scientifiques. Il faut encourager cette nouvelle génération de jeunes étudiants à penser gros, à explorer, à venir à l’université, à s’impliquer dans la recherche, dans les laboratoires.
L’auteur de The Future is Now acquiesce. Bob McDonald dit avoir écrit son livre pour donner un peu d’optimisme aux gens à travers toutes ces mauvaises nouvelles liées aux changements climatiques.
Nous avons besoin d’innovation, de gens qui continuent d’essayer des choses, qu’elles fonctionnent ou non, parce que quelque chose va en sortir. Il faut continuer d’essayer. Je leur souhaite bonne chance.