

Cette immense percée scientifique nous donne accès à la carte la plus précise à ce jour de l’ADN humain avec une plus grande diversité que la séquence de référence actuelle du génome humain
, a affirmé Eric Green, le directeur de l’Institut.
Cette annonce intervient un peu plus d’un an après la publication d’une séquence complète du génome humain par le consortium Telomere to Telomere, qui terminait un travail amorcé il y a près de 20 ans avec l’annonce de l’achèvement de la première ébauche du génome humain, le 14 avril 2003.
Ce génome de référence constituait la pierre angulaire de la recherche en génomique humaine. Le pangénome combine maintenant le matériel génétique de 47 individus génétiquement différents, ce qui donne une image plus complète du génome humain.
Le professeur Guillaume Bourque, du Département de génétique humaine et directeur de la bio-informatique au Centre de génomique de l’Université McGill, a participé à des travaux publiés en même temps que le pangénome et dont l’objectif est de montrer les immenses possibilités scientifiques que représente cette percée.
« Un pangénome représente plusieurs génomes. Il contient le même nombre de gènes [qu’un génome individuel], mais il représente les différents variants des gènes chez un certain nombre d’individus. Cela nous permettra d’utiliser une référence plus riche, plus diversifiée. »
Pour expliquer la différence entre le génome et le pangénome, le professeur Bourque donne l’analogie d’une carte.
La carte du génome demeurait floue. On voyait bien les continents et les grandes villes. Avec le pangénome, on voit maintenant les petites villes présentes par exemple en Afrique. On a une carte beaucoup plus précise qui contient la diversité génétique humaine
, résume le professeur.
Repères
Le génome d’une personne contient l’ensemble de son matériel génétique porté par l’ADN situé sur les 23 paires de chromosomes hérités de ses parents biologiques.
Il peut être comparé à un livre d’instructions de 23 chapitres formulant les traits distinctifs d’une personne et permettant le bon fonctionnement de son corps.
Le matériel génétique est présent dans chacune des cellules d’une personne. Ainsi, le noyau de chacune des cellules humaines contient entre 20 000 et 25 000 phrases (les gènes) et plus de 6 milliards de lettres (3 milliards de paires A-T et C-G).
Chaque cellule lit les gènes qui la concernent. Par exemple, une cellule de la peau consulte l’information sur la texture de la peau et la quantité de poils, mais ne lit pas les instructions sur les yeux ou le cœur.
Semblables, mais si différents
Le premier pangénome de référence, dont le détail est publié dans la revue Nature (Nouvelle fenêtre) (en anglais), permettra ainsi de peaufiner les références utilisées par les scientifiques à travers le monde dans leurs recherches en génomique humaine.
Même si nous sommes très semblables, il existe de petites différences génétiques entre deux individus. Le pangénome contient toutes ces petites variantes dans la représentation du génome humain
, poursuit le professeur.
« Sur les 3 milliards de lettres du génome, il y a l’équivalent de 10 millions de lettres de différence. Quelque chose de l’ordre de 0,1 % de différence entre les individus. »
Des surprises génomiques
Le professeur a été surpris par la grande différence observée entre les individus.
« À chaque fois qu’on séquence un génome humain, on trouve de nouvelles séquences qui n’étaient pas présentes dans la référence ou chez les autres individus. Ainsi, chaque individu a des petits bouts de génome qui lui sont uniques. Et le pangénome intègre tous ces nouveaux morceaux-là. »
Plus on séquencera d’individus, plus on trouvera de nouvelles informations dans le génome qui ne se trouvaient pas dans le génome de référence avec lequel on travaillait précédemment
, précise M. Bourque.
D’ailleurs, le consortium prévoit publier un pangénome regroupant les génomes de plus de 350 individus dans les prochaines années, ce qui augmentera encore davantage le portrait de la diversité génétique humaine.
Revoir les outils de travail
Pour le professeur Bourque et les chercheurs en génomique, l’arrivée de ce nouveau pangénome de référence est associée à une révision complète de leur façon de travailler.
Le gros travail maintenant est de changer toutes nos méthodologies qui utilisent le génome humain, un outil de référence linéaire, alors que le pangénome est plutôt représenté comme un graphe
, souligne-t-il.
« On a changé la représentation du génome. Dans nos analyses qui utilisent le génome, il faut adapter nos outils à cette nouvelle réalité qui ouvre de nouvelles possibilités. C’est encore plus complexe, mais l’analyse des données est encore plus riche. »
C’est d’ailleurs la contribution du chercheur de McGill et de l’un de ses étudiants qui a permis de montrer les nouvelles possibilités permises par le nouveau pangénome de référence. On est maintenant capables d’observer des régions du génome qu’on ne pouvait pas voir précédemment
, s’enthousiasme le chercheur.
La médecine de précision… se précise
L’un des espoirs que permet le nouveau pangénome de référence, c’est l’amélioration de la médecine de précision, en adaptant les traitements à chaque individu
, affirme le professeur Bourque.
« On espère que ça va nous permettre de mieux traiter les individus avec les médicaments qui illustrent la diversité génétique, puisque certains traitements fonctionnent chez certains, mais pas d’autres. »
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p class= »e-p »>Dans leurs travaux, le professeur Bourque et son étudiant ont été capables de détecter de 2 à 3 % de nouvelles choses dans des régions qui sont différentes génétiquement entre les individus
.
Je pense que c’est vraiment un changement presque aussi fondamental que celui permis il y a 20 ans, lors de la publication de la première référence humaine
, explique le professeur
« C’est un peu difficile de prédire ce que nous permettra de faire ce nouvel outil qui nous permet de regarder dans des régions du génome qui sont différentes entre les individus. Mais nous aurons une réponse dans la prochaine décennie, après avoir surmonté certains challenges techniques qui nous permettront d’adapter nos outils à cette nouvelle réalité. »
Il y a vraiment des régions du génome qui sont très complexes dont on ne connaît toujours pas le rôle. Par exemple, les extrémités des chromosomes sont des régions […] très mystérieuses. On ne sait toujours pas exactement comment elles fonctionnent et ce qui s’y cache
, conclut le professeur Bourque.