
Si le plus haut tribunal du pays se prononce pour légaliser les mariages entre personnes de même sexe, l’Inde deviendra le deuxième pays d’Asie à légaliser le mariage gai, après Taiwan.
À titre de plus grande démocratie au monde et deuxième pays le plus peuplé de la planète, son influence ailleurs dans le monde pourrait aussi être considérable.
Jusqu’ici, la majorité des 32 juridictions ayant déjà adopté des lois sur l’égalité du mariage se trouvent en Amérique et en Europe.
La loi actuelle viole-t-elle la constitution?
Selon les plaignants – plusieurs couples de même sexe – la Loi spéciale sur les mariages, qui fait référence au mari
et à la femme
, viole plusieurs articles de la constitution indienne.
Ils allèguent que la loi datant de 1954, et qui célèbre le mariage en dehors de la religion, devrait permettre aux couples de même sexe d’avoir le même droit légal au mariage que les couples hétérosexuels.
D’autres requêtes touchent également la loi sur le mariage à l’étranger, régissant les unions où au moins un conjoint est indien.
[La loi] devrait faire référence à des « conjoints » pour englober les personnes indépendamment de leur sexe ou de leur identité de genre
, allègue Jayna Kothari, une avocate qui représente trois plaignants dans l’une des causes devant la Cour suprême.
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Jusqu’ici, le gouvernement du premier ministre Narendra Modi, au pouvoir depuis 2014, a refusé de légaliser le mariage entre personnes de même sexe.
Dans un document déposé dimanche devant la Cour suprême, le gouvernement indien a déclaré qu’on ne pouvait pas demander au tribunal de changer toute la politique législative du pays
, qui est profondément ancrée dans les normes religieuses et sociétales.
Mais la Cour suprême n’est pas à la remorque du gouvernement. Déjà en 2018, elle s’est prononcée pour décriminaliser les relations homosexuelles entre adultes consentants, estimant que la loi britannique, datant de l’époque coloniale, était inconstitutionnelle.
Selon Jayna Kothari, la décision, historique, n’était que le début. Les personnes LGBTQ+
doivent maintenant accéder à une pleine reconnaissance de leurs droits comme citoyens.La décriminalisation n’a vraiment de sens que si des droits positifs sont accordés
, dit-elle, ce qui inclut le droit d’avoir une famille, le droit d’avoir des biens, le droit d’adopter
.
Un couple vancouvérois suit le dossier de près
Gaurav Bhatti, d’origine indo-canadienne, et son conjoint, Saattvic, ont déménagé à Vancouver en 2020, las d’attendre une évolution des droits des personnes LGBTQ+
en Inde.Même s’il a le droit de se marier au Canada, le couple souhaite organiser une cérémonie en Inde en présence de leur famille.
Saattvic, qui est citoyen indien, fait partie des plaignants dont le dossier a été transféré en Cour suprême.
Je le fais pour ces jeunes qui vivent dans les villages et qui n’ont aucun moyen de s’exprimer
, dit-il. C’est pour leur donner une chance de vivre leur vie dignement.
Saattvic, un ancien acteur devenu économiste, croit que la discrimination envers les personnes homosexuelles, souvent éduquées et ayant les moyens de quitter le pays, entraîne un exode des cerveaux.
Ces mêmes personnes se lèveront et partiront si vous ne leur donnez pas des droits égaux, et cela a des conséquences pour toute l’économie
, dit-il.
L’économiste cite une étude de la Banque mondiale datant de 2014, estimant que l’Inde sacrifiait à l’époque jusqu’à 1,7 % de son PIB
en raison de facteurs liés à la discrimination envers les personnes LGBTQ+ .Repli des conservateurs attendu
Une victoire en Cour suprême concernant le mariage entre personnes de même sexe pourrait toutefois prendre du temps à se matérialiser, croit Sukhdeep Singh, fondateur et directeur du magazine indien Gaylaxy.
Tout changement social prend du temps pour arriver à un point où ça s’améliore
, juge-t-il.
Le journaliste s’attend à une réaction virulente de la part de politiciens et de groupe religieux plus conservateurs si la Cour suprême légalise le mariage homosexuel.
Un député Sushil Kumar Modi s’est récemment prononcé contre le mariage gai, affirmant qu’il causerait des ravages
.
Ultimement, analyse toutefois Sukhdeep Singh, une victoire aurait des répercussions positives ailleurs en Asie et dans le monde.
Avec des informations de CBC