
Si cette conception des origines humaines en Afrique va à l’encontre des théories les plus acceptées encore de nos jours, elle n’est cependant pas tout à fait nouvelle.
Pour arriver à confirmer cette théorie, le professeur Simon Gravel du Département de génétique humaine à l’Université McGill et ses collègues ont testé le matériel génétique de populations actuelles d’Afrique et l’ont comparé à celui de fossiles de premières populations d’Homo sapiens découverts sur le continent.
Ils ont ainsi créé un nouveau modèle de l’évolution humaine, infirmant par le fait même certaines idées antérieures.
Les différentes théories
Selon l’une de ces théories, une seule population centrale vivait sur le territoire africain il y a quelque 150 000 ans; les autres populations en seraient issues.
Une autre hypothèse veut que cette population centrale soit le fruit du métissage des humains modernes et d’homininés dits archaïques, ce qui a contribué à l’évolution humaine.
Ce qui est intéressant dans notre travail, c’est qu’il permet de réconcilier les modèles génétiques, les modèles archéologiques et paléoanthropologiques, puisqu’on trouvait des restes humains et des outils un peu partout en Afrique
, affirme Simon Gravel, qui rappelle l’implication de son ancien étudiant Aaron Ragsdale, aujourd’hui à l’Université Wisconsin–Madison, dans ces travaux publiés dans la revue Nature (Nouvelle fenêtre) (en anglais).
Génétique et mathématiques à la rescousse
Dans une analyse comparant les différents modèles anthropologiques et les données génétiques, l’équipe a utilisé le matériel génomique contemporain de 290 individus appartenant à quatre groupes et à des Néandertaliens diversifiés géographiquement et génétiquement pour relever les similitudes et les différences entre les populations au cours du dernier million d’années. Ce travail a permis d’obtenir un aperçu des interrelations génétiques et de l’évolution humaine sur le continent africain.
Cette partie du travail a été effectuée par l’anthropologue et généticienne américaine Brenna M. Henn, de l’Université de la Californie à Davis.
Les groupes en question étaient les suivants :
- Nama (Khoe-San de l’Afrique du Sud);
- Mende (de la Sierra Leone);
- Gumuz (descendants récents d’un groupe de chasseurs-cueilleurs de l’Éthiopie);
- Amhara et Oromo (peuples agriculteurs de l’est de l’Afrique).
En outre, l’équipe de recherche a eu recours à du matériel génétique de populations eurasiennes pour retrouver la trace des incursions coloniales et du métissage en Afrique.
Les chercheurs ont ensuite couplé les données de ces différentes populations avec des modèles mathématiques mis au point par Simon Gravel et ses collègues. L’équipe a ainsi utilisé un nouvel algorithme pour tester rapidement les centaines de possibilités et mieux cerner la structure ancienne des populations.
« Ce qu’on a fait, c’est d’interroger les différents scénarios proposés par les anthropologues, mais en les traduisant avec des modèles mathématiques qui permettent de prédire ce qu’on observe dans la diversité génétique aujourd’hui. On a ensuite trouvé celui qui colle le mieux aux données qu’on observe. »
Le modèle qui colle le mieux est celui où il y avait plusieurs populations humaines semblables les unes aux autres, mais isolées pendant des centaines de milliers d’années. Ces populations, bien qu’isolées, ont échangé des gènes entre elles
, ajoute le professeur.
« Une fois de temps en temps, peut-être tous les 10 000 ans, il y avait des migrations entre les populations, et je spécule, d’événements comme des changements climatiques. »
Ainsi, il y aurait eu assez d’échanges entre ces populations pour qu’elles restent génétiquement cohérentes
. Elles auraient ainsi co-évolué
.
Au lieu de voir l’humain moderne n’apparaître qu’à un seul endroit, on peut imaginer que différents aspects modernes ont pu apparaître dans différentes régions du continent, en Afrique du Nord, en l’Afrique de l’Est et en Afrique du Sud, par exemple. Ensuite, ils se seraient étendus sur le continent
, précise le professeur Gravel.
Sur la sortie de l’Afrique
Dans ces travaux, les chercheurs ne se sont pas véritablement attaqués aux migrations d’Homo sapiens hors du continent africain. Le professeur Gravel affirme que des travaux futurs pourraient s’attarder à la question, ce qui n’est pas sans présenter des difficultés.
« C’est une question très compliquée. Il y a eu plusieurs sorties et de nombreux mélanges. »
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p class= »e-p »>Dans notre modèle, on inclut une population européenne, mais principalement pour prendre le métissage récent, postcolonial, mais pas pour essayer de résoudre ce qui s’est passé il y a 50 000 à 75 000 ans, lorsqu’ils sont sortis de l’Afrique
, précise-t-il.
Le professeur aimerait également se servir de la nouvelle méthode pour apprendre quelles mutations ont contribué à façonner notre bagage génétique aujourd’hui d’un point de vue de l’adaptation
.
Simon Gravel voudrait aussi peaufiner ce travail réalisé à partir de cinq populations, puisque plus on a de populations, plus le portrait de la diversité génétique d’aujourd’hui sera complet
.
Mais il reste beaucoup de travail à accomplir pour y arriver. Plus de populations, de branches, de migrations, ça devient très difficile à analyser! J’ai encore beaucoup de travail!