Installée dans la ville de Korskro, l’usine de Nature Energy, un leader européen en biométhanisation, mise sur différents résidus organiques, dont les déjections de vaches et de porcs, pour alimenter sa révolution verte. Une ressource abondante au Danemark, qui compte plus de 13 millions de cochons pour une population de 5,8 millions de citoyens. C’est un des cinq plus importants producteurs de porc dans le monde.
Dans cette usine, plus de 700 000 tonnes de matières organiques, industrielles, domestiques et agricoles sont converties, entre autres, en gaz naturel renouvelable tous les ans.
Le gouvernement danois ne lésine pas sur l’aide octroyée et agit en facilitateur pour développer la filiale du GNR
. Subventions gouvernementales généreuses, formalités administratives allégées, mise en place de lois et règlements pour interdire les déchets organiques dans les sites d’enfouissement et restrictions sévères en lien avec l’épandage de certains engrais plus polluants.Déjà, 30 % du gaz dans le réseau énergétique est renouvelable. Et Nature Energy fournit à lui seul un tiers du GNR .
Le GNR
permet de réduire les GES de deux façons : en remplaçant une énergie fossile par une énergie renouvelable et en évitant les émissions de méthane liées à l’enfouissement des matières résiduelles organiques et à l’entreposage des déjections animales.De producteur de porcs à producteur d’énergie
Un des fournisseurs de lisier de l’usine de Kroskro est Hans Juul Jenssen, un producteur local de porcs. Le fermier fait l’élevage de plus de 100 000 porcs par an. Tous les mardis matins, son équipe et lui s’activent, car des acheteurs viennent chercher des cochons. Hans en profite pour vider les canaux souterrains où s’écoule le lisier.
Le liquide fuit alors dans des tuyaux pour ensuite se déverser dans d’énormes cuves non loin de l’étable. Un camion-citerne passe quelques heures plus tard pour récupérer le lisier fraîchement déversé. La matière est, dès lors, envoyée dans l’usine de Nature Energy.
Du GNR
et bien plusLes résidus sont ensuite déposés dans des cuves gigantesques, appelées digesteurs, dans lesquelles on ajoute des bactéries. Le procédé prend environ 40 jours et permet de produire non seulement du gaz naturel renouvelable, mais aussi du gaz carbonique pour les boissons gazeuses.
La matière résiduelle, appelée digestat, devient un fertilisant naturel, dont la valeur nutritive est reconnue pour être de meilleure qualité que les fertilisants commerciaux.
Le digestat est retourné dans les mêmes camions aux fermiers commeHans Juul Jessen afin qu’ils puissent l’épandre dans leurs champs. Le producteur se dit ravi du produit, qu’il trouve moins odorant et plus performant.
Alors que la production porcine est souvent montrée du doigt par les environnementalistes comme étant polluante, Hans Juul Jessen est heureux de savoir qu’il y a moyen de verdir ses opérations tout en faisant des profits.
« C’est une situation gagnante pour tous. En plus d’être plus vert, je diversifie mes revenus! »
Les camions qui circulent ne sont donc jamais vides. Pour que les fermes puissent contribuer au projet, elles doivent être dans un rayon maximum de 25 kilomètres de l’usine.
La distance parcourue par les véhicules est ainsi réduite. L’économie d’essence est assurée et, surtout, le bilan carbone est amélioré, assure le président-directeur général de Nature Energy, Ole Hvelplund.
Et le PDG
affirme aussi que le modèle d’affaires de Nature Energy repose sur le principe d’économie circulaire.« On ne peut pas vendre un produit écologique sans l’être nous-mêmes. »
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p class= »e-p »>Pour le géant du GNR
, il est aussi impératif, pour la pérennité des projets, de faire des propriétaires de fermes de réels partenaires d’affaires. Les fermiers, souvent regroupés en coopératives, sont invités à devenir actionnaires de l’usine où leurs résidus sont envoyés.Nous nous assurons ainsi que les fermiers se sentent impliqués et cela nous permet aussi d’avoir une bonne entente avec la communauté locale. Ce qui est très important pour nous
, explique Ole Hvelplund.
Un autre aspect majeur de la réussite de Nature Energy est qu’elle arrive à contenir les odeurs au minimum. Pour ne pas importuner le voisinage, toutes les matières odorantes sont traitées à l’intérieur. Le site extérieur est immaculé.
Entièrement automatisées, leurs usines peuvent être exploitées avec aussi peu qu’une douzaine d’employés, y compris les chauffeurs. Toutes les usines de Nature Energy sont construites selon le même modèle.
Ole Hvelplund se plaît d’ailleurs à dire que peu importe dans quelle usine de Nature Energy il se trouvera dans le monde, il saura exactement où poser son manteau.
Des critiques environnementales
Des groupes environnementaux européens formulent certaines critiques à l’endroit de la biométhanisation. Entre autres parce que ces usines restent des installations industrielles venant avec leur lot de dangers : explosion et déversement.
Et un collectif de scientifiques en Europe, le Collectif scientifique national méthanisation raisonnable (CSNM), s’inquiète de la possible présence de bactéries, parasites et résidus de médicaments dans le digestat produit qui pourraient contaminer les sols.
L’entreprise danoise possède 13 usines de biométhanisation similaires au Danemark et une en France. Et le PDGNature Energy ne cache pas ses ambitions. Il rêve d’une usine de biométhanisation tous les 50 kilomètres un peu partout dans le monde pour traiter les déchets organiques.
deLe Québec est d’ailleurs dans sa ligne de mire. En décembre 2022, Nature Energy a signé une entente de plus d’un milliard de dollars avec Énergir pour développer une dizaine d’usines dans la province.
Au Québec, plusieurs critiques à l’endroit de la biométhanisation sont aussi formulées. À titre d’exemple, la Fondation David Suzuki déplore la circulation accrue des camions sur les routes qui fait augmenter les émissions de gaz à effet de serre et craint que la mince proportion de GNR
injectée dans le réseau d’Énergir donne l’impression au public que le gaz naturel est complètement vert. Une forme d’écoblanchiment.Des usines de biométhanisation au Québec
La province compte quelques usines de biométhanisation qui traitent principalement des déchets organiques domestiques.
Les villes de Québec et de Saint-Hyacinthe possèdent ce type d’usine.
La seule usine qui traite des déchets agricoles est située à Warwick, dans le centre de la province. Le projet est la réalisation de la Coop Carbone, un organisme à but non lucratif dont la mission principale est la réduction des gaz à effet de serre, avec la participation de la coop de producteurs laitiers locale. L’usine de la Coop Agri-Énergie Warwick produit 2,3 millions de mètres cubes de gaz naturel renouvelable par an, assez pour chauffer 1000 maisons en une année.