En France, la petite « révolution » du congé menstruel

Vues : 130
0 0
Durée de lecture :4 Minute, 8 Secondes

J’ai toujours organisé mon emploi du temps en fonction de cette semaine-là, confie Thanina Ould Younes, 36 ans. L’agente municipale souffre d’endométriose, une maladie chronique de l’utérus qui rend les règles extrêmement douloureuses.

Moi, c’est fièvre, nausées, vomissements, douleurs dans le bas du dos, énumère Thanina.

Thanina Ould Younes à l'extérieur devant un commerce

Thanina Ould Younes souffre d’endométriose de stade sévère. Ses symptômes l’empêchent régulièrement de travailler.

Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi

Ces symptômes ont longtemps eu un effet néfaste sur la vie professionnelle de la jeune femme, qui devait souvent prendre des journées de congé non rémunérées lorsqu’elle avait ses règles. Mais depuis fin mars, ce calvaire a pris fin avec l’instauration d’un congé menstruel par son employeur.

« Ça m’est déjà arrivé de surdoser les médicaments antidouleur pour pouvoir rester debout. »

— Une citation de  Thanina Ould Younes, directrice du développement et de l’attractivité de Saint-Ouen-sur-Seine

Enfin, on peut rester à la maison quand on n’est pas en mesure de travailler, se réjouit Thanina, qui ne croit pas que le congé menstruel ait nui à sa productivité ni à celle de son équipe.

À lire aussi :

Une évidence pour Saint-Ouen

L’employeur de Thanina a été parmi les premiers à instaurer un congé menstruel en France. Le maire de Saint-Ouen-sur-Seine, en banlieue parisienne, considérait qu’il s’agissait d’une évidence après l’instauration d’un congé semblable en Espagne.

[Nos employées] ont droit à deux jours par mois, de façon discrétionnaire, sans passer automatiquement par leur médecin, explique Karim Bouamrane. C’est un contrat de confiance.

Karim Bouamrane assis dans son bureau.

Karim Bouamrane admet que le congé menstruel a un coût « politique et financier », mais le maire de Saint-Ouen-sur-Seine se dit prêt à l’assumer.

Photo : Radio-Canada

Il est encore trop tôt pour chiffrer le coût de cette mesure, qu’une cinquantaine d’employées sur 800 ont déjà réclamée, selon le maire, qui ne s’inquiète pas du risque d’abus.

S’il y a 10 ou 15 % qui l’auront pris sans forcément avoir des règles douloureuses, ce n’est pas grave. Ça signifie [qu’elles] l’auront fait pour se reposer, considère l’élu.

Un congé de plus en plus répandu

En France, la mairie de Saint-Ouen n’est pas la seule à offrir un congé menstruel à ses salariées. Quelques petites entreprises le font aussi, et la grande enseigne Carrefour doit lancer son propre congé menstruel cet été.

L’entreprise, qui compte quelque 50 000 salariées françaises, offrira douze jours par année aux femmes qui souffrent d’endométriose et qui ont un certificat d’invalidité – un dispositif beaucoup plus restrictif que celui prévu par Saint-Ouen.

Tout cela se fait de façon désordonnée, sans cadre juridique, constate la sénatrice Hélène Conway-Mouret. Pour encadrer ces initiatives, la socialiste a présenté une proposition de loi qui accorderait deux jours de congés menstruels par mois aux femmes munies d’un certificat médical.

Hélène Conway-Mouret debout dans la salle de conférence du Sénat français.

La sénatrice Hélène Conway-Mouret représente les Français établis hors de France. Sa proposition de loi prévoirait un congé menstruel de deux jours par mois sur présentation d’un certificat médical.

Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi

Sa proposition ne ciblerait pas uniquement l’endométriose – qui concerne une personne menstruée sur dix – mais aussi la dysménorrhée, qui touche la moitié des femmes en âge de procréer.

« Si le cadre légal existe, ça deviendra quelque chose comme un congé de maternité. »

— Une citation de  Hélène Conway-Mouret, sénatrice

Une fausse bonne idée?

<

p class= »e-p »>La proposition de loi de la sénatrice Conway-Mouret s’est butée à une opposition inattendue : celle de groupes féministes. Plusieurs associations se sont en effet positionnées contre le congé menstruel, en considérant qu’il risque d’engendrer de la discrimination.

Comme le congé menstruel peut se poser chaque mois, les employeurs peuvent se dire que ce sont quelques jours d’absence qu’un homme ne posera pas, et donc discriminer les femmes à l’embauche ou dans leur évolution de carrière, craint Violaine de Filippis-Abate, porte-parole d’Osez le féminisme.

Violaine De Filippis-Abate dans les locaux de son association.

Violaine De Filippis-Abate est porte-parole de l’association Osez le féminisme.

Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi

L’avocate souligne aussi que les congés menstruels accordés par les grandes entreprises – Carrefour, par exemple – imposent souvent de lourdes démarches administratives aux femmes concernées.

L’organisme plaide plutôt pour l’octroi de jours de maladie payés pour tous les salariés. Les femmes pourraient s’arrêter pour règles douloureuses sans craindre d’être discriminées, puisque les hommes aussi pourraient s’arrêter quand ils sont malades, illustre Violaine.

Thanina Ould Younes croit que les inquiétudes de discrimination sont infondées. Pour moi, c’est un faux problème, lance-t-elle. Si quelqu’un ne veut pas vous recruter, il ne vous recrutera pas, quoi qu’il arrive.

Source :Radio Canada

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %
Previous post Congo : Need Act, une application mobile au service de l’humanitaire
Next post Congo : reprise du chemin de fer reliant Pointe-Noire et Brazzaville

Average Rating

5 Star
0%
4 Star
0%
3 Star
0%
2 Star
0%
1 Star
0%

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :
Verified by MonsterInsights