
Tout en saluant la réaction ferme et rapide
des pays occidentaux face à la guerre en Ukraine, Amnistie constate qu’elle contraste fortement
avec le manque de réactions face à d’autres conflits, comme en Éthiopie et au Myanmar. L’ONG souligne également un contraste avec les précédentes réactions de l’Occident face à d’autres violations massives
commises par la Russie dans d’autres pays, comme en Tchétchénie ou en Syrie.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un exemple glaçant de ce qui peut se produire quand des États pensent pouvoir faire fi du droit international et violer les droits humains en toute impunité
, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnistie internationale.
Si le système avait fonctionné et demandé des comptes à la Russie pour ses crimes avérés en Tchétchénie et en Syrie, des milliers de vies auraient pu être sauvées à l’époque et aujourd’hui, en Ukraine et ailleurs. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec encore plus de souffrance et de dévastation
, a déclaré Mme Callamard.
Selon Amnistie, cette pratique de deux poids deux mesures et les réponses insuffisantes aux atteintes aux droits humains commises aux quatre coins de la planète ont alimenté l’impunité et l’instabilité
. L’ONG cite notamment en exemple le silence assourdissant sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits fondamentaux, la passivité à propos de l’Égypte et le refus d’affronter le système d’apartheid mis en place par Israël contre les Palestiniens
.
Des politiques migratoires inégales
En plus de la guerre russe en Ukraine, le monde a été marqué par plusieurs conflits meurtriers en 2022, recense Amnistie, dont les violences en Éthiopie, qui ont fait des centaines de milliers de morts au Tigré occidental.
L’ONG
rappelle également que le conflit israélo-palestinien a connu l’une des années les plus sanglantes en 2022 avec au moins 151 Palestiniens tués en Cisjordanie occupée, dont plusieurs dizaines d’enfants lors de raids militaires israéliens.Au lieu d’exiger la fin du système d’apartheid mis en place par Israël, nombre de gouvernements occidentaux ont préféré s’en prendre à celles et ceux qui le dénonçaient
, indique le rapport.
« S’il veut gagner [la] guerre [en Ukraine], le monde occidental ne peut pas dans le même temps tolérer des actes d’agressions similaires dans d’autres pays uniquement parce que ses intérêts sont en jeu. »
L’ONGgrandes ouvertes
pour les Ukrainiens qui voulaient échapper à la guerre.
Les États-Unis, qui ont accueilli des dizaines de milliers d’Ukrainiens, ont entre septembre 2021 et mai 2022 expulsé plus de 25 000 Haïtiens, souvent après les avoir placés en détention et soumis nombre d’entre eux à la torture
, s’est indignée Mme Callamard.
Les droits « au cas par cas »
Dans son rapport, Amnistie dénonce aussi le manque d’actions des Occidentaux face aux violations perpétrées par la Chine à l’encontre de la minorité musulmane des Ouïgours. La Chine a échappé à toute condamnation internationale de la part de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a décidé par un vote de ne pas enquêter davantage
sur les crimes ayant pu être commis dans le Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine.
Le Xinjiang, longtemps frappé par des attentats attribués à des séparatistes et des islamistes ouïgours, fait l’objet depuis quelques années d’une répression menée au nom de l’antiterrorisme. Pékin est accusé d’y avoir interné au moins un million de Ouïgours et de membres d’autres minorités musulmanes dans des camps de rééducation, voire d’imposer du travail forcé et des stérilisations forcées.
Les pays ont appliqué le droit relatif aux droits humains au cas par cas, faisant preuve au fil du temps d’une hypocrisie flagrante et de deux poids, deux mesures. […] C’est un comportement inadmissible, qui affaiblit la trame même des droits fondamentaux universels
, a déclaré Agnès Callamard.
« Nous avons besoin de moins d’hypocrisie, de moins de cynisme et de plus d’action cohérente, fondée sur des principes et ambitieuse de la part de tous les États pour promouvoir et protéger l’ensemble des droits. »
Dans son document de plus de 500 pages, Amnistie passe en revue des séries de violations répertoriées dans 156 pays à travers le monde : violences, répression, restrictions du droit à l’avortement, discrimination, accroissement des inégalités…
L’ONG
évoque notamment les conflits au Myanmar, en Haïti, au Mali, au Venezuela et au Yémen, entre autres, et déplore les atteintes aux droits des femmes en Iran et en Afghanistan.Amnistie salue d’ailleurs le courage
des femmes afghanes qui ont manifesté contre le régime ultraconservateur des talibans, ainsi que celui des Iraniennes qui protestent contre le port obligatoire du voile. Le fait que, face à la répression, des milliers de gens se soient néanmoins unis pour écrire, signer des pétition ou descendre dans la rue est en soi rassurant
, souligne le rapport.
L’organisation pour la défense des droits de la personne évoque enfin l’inaction de la communauté internationale face à l’urgence climatique.
Alors que l’année 2022 a été marquée par des épisodes de sécheresse, des inondations et des incendies, les dirigeants qui étaient réunis à la COP27 en Égypte ne sont pas parvenus à prendre les mesures nécessaires pour maintenir la hausse moyenne des températures à la surface du globe sous le seuil de 1,5 degrés Celsius
, dénonce le rapport.
Les États ont refusé de s’attaquer au premier facteur responsable du réchauffement climatique : la production et l’utilisation des carburants fossiles
, indique le document.
Le Canada épinglé
Le Canada a d’ailleurs été écorché par Amnistie pour son bilan en matière de droits des Premières Nations et de justice climatique.
D’une part, l’ONGà ses obligations de protéger les terres et les cours d’eau des Peuples autochtones
. D’une autre part, elle critique Ottawa pour son approche face aux changements climatiques qui ne reflète pas le niveau de responsabilité du Canada en tant qu’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre par habitant au monde, ni sa capacité d’action
.
« Le bilan du Canada en ce qui concerne les droits des Peuples autochtones est désastreux. Rien n’a été fait pour régler les problèmes de fond et pour redonner aux Peuples autochtones le contrôle de leur territoire. Enfin, respecter le consentement libre, préalable et éclairé des Peuples autochtones est impératif. »
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p class= »e-p »>Une action concrète des gouvernements du Canada est indispensable, d’autant plus que la crise climatique exacerbe les risques de disparition des cultures autochtones, un patrimoine et un savoir-faire ancestral qu’il serait dramatique de voirs’éteindre
, a affirmé Mme Langlois dans un communiqué.
Amnistie dénonce par ailleurs la décision du gouvernement de Justin Trudeau de soutenir l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain, violant ainsi les droits de la Première Nation Tsleil-Waututh.
Le Canada s’est engagé à mettre en œuvre la Déclaration sur les droits des Peuples autochtones, pourtant, les membres de notre Nation Tsleil-Waututh ont été harcelés et criminalisés pour s’être opposés pacifiquement au projet de l’oléoduc Trans Mountain
, indique Charlene Aleck, membre du Conseil de la Nation Tsleil-Waututh, dans un communiqué conjoint avec Amnistie Canada.
Le pipeline et le pétrole qu’il transporte constituent de graves menaces pour Burrard Inlet – lieu de naissance de nos ancêtres. Nous avons refusé notre consentement préalable, libre et éclairé pour ce projet, pourtant, le Canada va de l’avant avec la construction. Il n’y aura pas de réconciliation possible si le consentement n’est pas respecté.
L’ONG
déplore enfin une trentaine d’avis à long terme sur l’eau potable au sein des Premières Nations, ainsi que la pollution au mercure qui continue d’empoisonner la vie de la Première Nation Grassy Narrows, l’exploitation forestière, en plus de la stérilisation forcée des femmes autochtones.La situation des droits des Peuples autochtones au Canada est une honte nationale
, a dit pour sa part Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section anglophone d’Amnistie internationale Canada. Malgré les nombreuses promesses de s’attaquer à ces injustices récurrentes, les différents niveaux de gouvernement canadiens n’ont pas réussi à respecter les droits des Peuples autochtones ni à protéger leurs terres et leurs ressources. La crise climatique exacerbe ces injustices et nécessite des mesures urgentes et décisives de la part du gouvernement.