
L’extrême pauvreté et l’opulence se sont croisées pendant quelques minutes dans le comté de Fulton : devant les caméras du monde entier, l’ex-président américain Donald Trump est arrivé, escorté par une dizaine de voitures, à cette prison mal famée située en Georgie.
Le comté n’aura certainement jamais connu aussi grande visite. Les caméras du monde entier étaient braquées sur cette prison de la rue Rice, qui jusqu’ici faisait les manchettes pour ses conditions de détention abjectes.
Un total de 7 personnes y sont déjà mortes cette année, contre 15 l’année dernière.
Le décès de Lashawn Thompson, en août 2022, avait ainsi fait la une. Il avait été retrouvé mort, le visage recouvert d’insectes et le corps de punaises de lit, trois mois après avoir été incarcéré. La famille a obtenu un règlement de quatre millions de dollars et une enquête est en cours sur les conditions de détention de cette prison.
Quelque 3000 personnes sont incarcérées dans cette institution pénitentiaire, qui ne devrait pourtant en accueillir que la moitié, au maximum. Par ailleurs, 87 % des détenus sont afro-américains.
Autour de la prison, on trouve un refuge pour sans-abris et quelques résidences délabrées. Il fait 40 degrés Celsius. Le dispositif de sécurité autour est impressionnant; il ne faut pas qu’il y ait de débordements ni d’affrontements entre les pro-Trump et anti-Trump, précise un officier.

Près de la prison de Fulton County, les bâtiments sont délabrés.
Photo : Radio-Canada / Azeb Wolde-Giorghis
C’est dans cette Amérique misérable, pauvre et oubliée que le convoi de l’ancien président est arrivé à 19 h 35 jeudi. L’impressionnant cortège de limousines, voitures et ambulances a défilé sur la rue Rice pour une procédure de 20 minutes. Le contraste est saisissant.

Des manifestants pro-Trump devant la prison du comté de Fulton.
Photo : Radio-Canada / Azeb Wolde-Giorghis
Contrairement à ses autres apparitions lors des trois inculpations précédentes, Donald Trump n’aura pas eu droit à un comité d’accueil comme à Miami, New York ou Washington. Cette fois, les manifestants étaient tenus à l’écart, et le trajet du convoi avait été méticuleusement tracé, de l’aéroport à la prison.

Une manifestante devant la prison du comté de Fulton tient une pancarte qui dit « Fani Willis va vaincre Trump » et « Ne laissez pas Trump s’en sortir avec le crime organisé ».
Photo : Radio-Canada / Azeb Wolde-Giorghis
La procureure Fani Willis est perçue comme une héroïne dans le quartier. Elle aura tenu parole en assurant que Donald Trump sera traité comme toute personne en état d’arrestation.
L’ancien président est poursuivi, avec 18 autres personnes, pour avoir tenté d’infirmer le résultat électoral en Georgie. Il est aussi accusé d’être à la tête d’une entreprise criminelle
pour manipuler les résultats.
La procureure a en fait détaillé tous les chefs d’accusations visant Donald Trump et ses associés dans un volumineux document de 98 pages.
Aujourd’hui, les partisans de l’ex-président parlent de persécution politique.
Ils font tout pour décourager Donald Trump. On dirait qu’il a du sang de dragon, il se bat sur tous les fronts pour nous.
À l’opposé de ceux qui soutiennent l’ancien locataire de la Maison-Blanche, il y a d’autres personnes qui sont présentes, comme Vanessa Ward, la cinquantaine, qui sillonne la rue Rice sur son vélo en brandissant le drapeau afro-américain rouge, noir et vert devant les caméras.
Il y a des gens qui vont en prison alors qu’ils sont innocents. Pourquoi l’argent devrait-il t’éviter la prison si tu as commis un crime?

La procureure du comté de Fulton, Fani Willis, est maintenant au cœur d’une vaste tourmente politique.
Photo : Reuters / ELIJAH NOUVELAGE
La procureure Fani Willis, accusée de persécuter Donald Trump, a quant à elle reçu des menaces de mort et des messages haineux. Elle se déplace désormais avec plusieurs gardes du corps. La représentante du 14e district de Georgie, la républicaine Marjorie Taylor Greene, a affirmé qu’une enquête du comité judiciaire est en cours contre la procureure.
Nous faisons tout pour que Fani Willis perde son emploi.
En mai dernier, le gouverneur républicain Brian Kemp a signé une nouvelle loi en Georgie, loi qui donnerait le pouvoir à une commission de renvoyer ou de discipliner un procureur pour ses décisions judiciaires.
Fani Willis, démocrate et première Afro-Américaine à occuper le poste de procureure en Georgie, a provoqué l’ire des républicains en inculpant Donald Trump. Aujourd’hui, l’évêque Reginald T. Jackson, qui est à la tête de 530 églises en Georgie, fait appel au gouverneur Brian Kemp pour qu’il ne cède pas à la pression. Ce dernier avait lui-même rejeté les accusations de Donald Trump à propos des présumées fraudes électorales.

Harrison Floyd, l’un des coaccusés de Donald Trump, est le seul du groupe à ne pas avoir été libéré sous caution, se disant incapable de payer la somme réclamée.
Photo : Reuters / FULTON COUNTY SHERIFF’S OFFICE
Parmi les 19 personnes inculpées se trouve Harrison Floyd, un ancien Marine afro-américain de 39 ans. Il est entre autres accusé d’avoir intimidé une employée dans un bureau de vote. Porte-parole du groupe Black Voices for Trump
, il allait chercher des votes dans l’électorat noir. Il est aussi accusé d’avoir agressé un agent du FBI dans le cadre d’une autre enquête liée aux élections de 2020.
Harrisson Floyd s’est rendu en prison volontairement, comme ses co-accusés, avant vendredi midi. C’est le seul qui est toujours en détention. Il affirme qu’il ne peut se payer un avocat et qu’il est incapable de verser sa caution. Tous les autres ont été libérés en échange d’un montant d’argent et se préparent en vue de leur procès.
M. Floyd, lui, croupit toujours dans cette prison et s’ajoute à la longue liste d’Afro-Américains incarcérés. Il fait face à plusieurs chefs d’accusation de complot pour infirmer les résultats électoraux, et Donald Trump ne donne aucun signe de vouloir venir à sa rescousse.