
La minute de silence, respectée par les dizaines de milliers de manifestants présents, a été ponctuée de coups donnés sur un microphone. Un coup par victime des récentes fusillades qui ont ébranlé le pays.
Un mois jour pour jour, avant ce rassemblement, un jeune homme de 13 ans a ouvert le feu dans une école primaire de la capitale serbe, tuant neuf élèves et un garde de sécurité.
Le lendemain de ce premier drame, un homme de 21 ans a tué huit personnes avec une arme semi-automatique en banlieue de Belgrade.
J’étais horrifié, ce n’est pas le genre d’événement auquel on s’attend en Serbie
, lance Porosh, un étudiant en mathématiques venu partager son indignation devant le parlement.
« Ce n’est pas un environnement dans lequel les enfants peuvent grandir. »
Depuis un mois, de grands rassemblements sont organisés de manière hebdomadaire pour exiger un meilleur contrôle des armes et dénoncer la réaction du gouvernement serbe à ces tragédies.
Dans les trois dernières semaines, le gouvernement a collecté des milliers d’armes et des fusils d’assaut
, explique l’analyste politique Dimitrije Milić. Dans la foulée des tueries, les autorités serbes ont offert une amnistie aux propriétaires d’armes irrégulières qui acceptaient de s’en débarrasser.
Mais ce n’est probablement que la surface de ce qui existe dans ce pays
, nuance Dimitrije Milić. Il rappelle que malgré des lois déjà strictes, la Serbie, impliquée dans les guerres des Balkans dans les années 1990, est l’un des pays où le taux de possession d’armes est parmi les plus élevés au monde.
Une colère, au-delà du contrôle des armes
S’il y a autant de gens dans la rue, c’est parce que le gouvernement n’en fait pas assez pour apaiser les tensions. Il n’est pas capable d’admettre que le système a failli
, déplore le député d’opposition et vice-président du parlement serbe, Borislav Stefanović.
À l’instar de nombreux manifestants, l’élu de gauche croit que le contrôle des armes n’est pas le seul enjeu auquel la société serbe est confrontée. Il reproche au gouvernement et aux médias proches du pouvoir d’envenimer le discours public en partageant des propos qu’il qualifie de violents.
« Les armes sont un outil. Dans notre société, le régime a créé une ambiance remplie de violence. »
Le retrait des licences de télédiffusion des chaînes progouvernementales fait ainsi partie des revendications entendues dans les manifestations organisées depuis un mois.
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p class= »e-p »>Le président conservateur Aleksandar Vučić, dont la formation est au pouvoir depuis onze ans, a lui-même rassemblé ses partisans à Belgrade, fin mai, pour montrer qu’il disposait toujours d’appuis dans le pays.
En signe d’apaisement, le président a annoncé qu’il quittait la présidence de son parti, fonction désormais occupée par son ministre de la Défense, mais qu’il entendait demeurer chef de l’État.
Je serai le président de tous les Serbes et non celui d’un parti politique
, a-t-il déclaré, profitant tout de même de son discours pour qualifier de hyènes et de vautours certains des organisateurs des manifestations, les accusant de vouloir profiter des drames pour attaquer son gouvernement.
Cette crise n’est pas la seule à laquelle le pouvoir serbe a été confronté au cours du dernier mois, alors que des élections locales ont ravivé les tensions au Kosovo, un territoire qui a unilatéralement déclaré son indépendance de la Serbie en 2008, ce que refuse de reconnaître Belgrade.
Or, selon l’analyste politique Dimitrije Milić, cet enjeu géopolitique pourrait profiter au gouvernement et au président Vučić.
Quand la crise au Kosovo est survenue, cela a détourné l’attention du débat autour des armes. Puis, avec des enjeux comme le Kosovo, vous pouvez voir un effet de rassemblement autour du drapeau et du gouvernement
, explique-t-il.
Mais comme en témoignent les dizaines de milliers de personnes qui sont descendues dans les rues de Belgrade samedi dernier, les enjeux liés à la violence armée continuent d’occuper une place centrale dans le débat politique serbe.
Autre rappel que la page est loin d’être tournée : les passants continuent de se recueillir devant l’école Vladislav Ribnikar, le théâtre de la tuerie qui a déclenché la colère des manifestants.
Je pense que nous sommes tous morts ce jour-là
, lance une résidente de Belgrade rencontrée devant l’établissement.