
L’Orchestre symphonique national d’Ukraine a effectué une tournée pour la première fois de son histoire à Taïwan, du 11 au 13 septembre. Depuis l’invasion russe l’an dernier, les liens économiques et culturels entre l’Ukraine et Taïwan, presque inexistants il y a deux ans, ont été renforcés.
Invité par un promoteur taïwanais, l’Orchestre symphonique national d’Ukraine a proposé un programme composé de pièces de Berezovsky, Beethoven, Sibelius, Chopin, Lyatoshynsky ou Liszt, selon les soirs. Tous les rappels ont inclus une chanson taïwanaise folklorique. Aucun arrêt n’est prévu en Chine à court terme.
Cette tournée dans les majestueuses salles de concert de Taichung, Kaohsiung et Taipei est la consécration de cette solidarité nouvelle. Avant le début de la guerre en Ukraine, la plupart des Taïwanais connaissaient peu l’Ukraine.
Aujourd’hui, ils sont nombreux à établir des parallèles entre la petite île et l’Ukraine, deux nations souveraines menacées par des voisins autoritaires et plus puissants qu’elles.
Je dis aux Taïwanais : soyez forts, lance le directeur général de l’Orchestre symphonique national d’Ukraine, Aleksandr Hornostai, lors d’un événement de presse à l’hôtel de ville de Kaohsiung. Nous attendons nous-mêmes notre victoire. Nous jouons de la musique et ça fait aussi partie de la résistance.
Aider la résistance
Dans une des pièces ornées de fusils et de carabines où il peut pratiquer son tir, un combattant taïwanais, Tony Lu, regarde ses vidéos tournées en Ukraine. Il est allé creuser des tranchées au front pendant trois mois au printemps 2022. Là-bas, on le surnommait Taiwan Tony
.
Il est convaincu que la Chine tentera d’envahir Taïwan et que ses compatriotes ne sont pas préparés. Il s’est reconnu dans les visages d’Ukrainiens terrés dans des abris anti-bombes qu’il voyait à la télévision. C’est pour ça qu’il a voulu se rendre en Ukraine pour aider la résistance.
La préparation, les cours de maniement d’armes et de premiers soins sont plus populaires qu’avant la guerre en Ukraine, soutient Tony Lu. En général, les gens ici ne croient pas à une invasion chinoise, mais le Parti communiste chinois se renforce.

Tony Lu est un combattant taïwanais qui est allé aider les forces ukrainiennes au printemps 2022.
Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh
Tony demeure en contact avec ses amis des tranchées ukrainiennes. Après les exercices militaires chinois effectués l’année dernière près de l’île en réaction à la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, ses amis lui ont demandé s’ils devaient venir l’aider à lutter contre la Chine.
L’aide humanitaire s’intensifie
Les liens économiques et diplomatiques se sont vite développés l’an dernier entre Taïwan et l’Ukraine. La petite île a envoyé de l’aide humanitaire et signé une entente avec la Pologne afin d’apporter un soutien à plus long terme. Cette coopération servira entre autres à la reconstruction d’hôpitaux.
Le mois dernier, Taïwan a également signé une entente d’aide de 650 000 $ directement avec la ville de Boutcha, en Ukraine, afin de construire des abris anti-bombes.

Des civils ont été massacrés à Boutcha.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
C’est connu, la résilience des Ukrainiens est inspirante à Taïwan. C’est si répandu comme sentiment que c’est même devenu le sujet d’une nouvelle production artistique.
La comédie musicale taïwanaise intitulée Chopped, une œuvre expérimentale, a été jouée pour la première fois à Taichung il y a deux semaines devant un public enthousiaste. De nombreux spectateurs se sont dits émus et bouleversés par le destin des personnages.
L’auteur, Yang Xiuen-Jie, avait envie de parler des horreurs de l’invasion russe qui le touchent personnellement en racontant l’histoire de différentes victimes de cette guerre, allant de soldats au front à une famille éplorée.
Cette guerre est plus proche de nous, dit-il. On s’y reconnaît. J’avais envie de parler de la nature de la guerre. J’espère que ça pourra aussi encourager d’autres artistes à écrire des poèmes ou d’autres œuvres d’art pour discuter de l’actualité.
Une voix de la démocratie
Pour sa part, la radio publique taïwanaise, Radio Taiwan International, se perçoit comme une voix importante de la démocratie mondiale. Elle diffuse en russe les plus récentes informations sur ondes courtes depuis plus de trente ans.
Elle a ajouté des heures de programmation hebdomadaire après le début de la guerre en Ukraine. C’est un service qu’elle juge essentiel pour contrer la désinformation de Moscou.
Radio Taïwan International a même ajouté sur les réseaux sociaux l’an dernier un volet en ukrainien. Le service est suivi par plus de 150 000 personnes dans le monde.
Nous avons reçu des lettres d’auditeurs de notre chaîne en langue russe et ils disaient que ce serait bien qu’on diffuse aussi des informations en ukrainien, affirme le directeur de la division des langues internationales de la chaîne, Carlson Huang. Mais personne n’avait prévu une telle popularité!
Cette nouvelle solidarité illustrée par la tournée taïwanaise de l’Orchestre symphonique national d’Ukraine cette semaine laisse croire que ces nouveaux liens pourraient se resserrer davantage dans les prochaines années.