Des groupes d’autodéfense citoyens ripostent aux gangs criminels haïtiens

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Depuis deux semaines, la violence est plus présente que d’habitude à Port-au-Prince, la capitale. Toutefois, grâce au phénomène Bwa Kale, la peur n’est plus seulement le lot des citoyens ordinaires. Elle est aussi ressentie par les membres de gangs.

En créole, Bwa Kale signifie bois écorcé. C’est aussi une métaphore pour la justice rapide.

Pendant que les membres des bandes criminalisées poursuivent leurs déprédations dans l’est de la capitale haïtienne, ils ont été forcés de fuir et de se réfugier dans d’autres secteurs.

Plusieurs ont été lynchés ou sommairement exécutés après leur capture par des groupes de citoyens, qui agissent parfois de manière concertée avec la police.

Les messages et les memes de Bwa Kale sont partout sur les réseaux sociaux haïtiens et des artistes tels Tony Mix en font la promotion. Une danse Bwa Kale a même été créée.

Plusieurs personnes ont des réserves sur ce mouvement et s’inquiètent de ses conséquences. Toutefois, il trouve une forte résonance chez les Haïtiens ordinaires, qui semblent trouver une certaine libération à terroriser leurs bourreaux.

Des passants dans une rue.

La population haïtienne vit dans la terreur des gangs armés.

Photo : THE CANADIAN PRESS/AP/Odelyn Joseph

Brûlés vifs

Un événement spontané survenu le 24 avril semble avoir été le catalyseur de ce mouvement. Il s’est produit dans le secteur Canape Vert, à Port-au-Prince, où la police a intercepté 13 des 14 membres d’un gang qui voyageaient dans un minibus pour rejoindre une bande criminelle alliée dans le secteur Debussy.

Les membres du groupe n’avaient pas d’armes d’épaule, a expliqué Louis-Henri Mars, directeur de l’ONG haïtienne pour la paix Lakou Lape, en entrevue à CBC News. Ils avaient seulement des pistolets dans leurs sacs à dos. Lorsqu’ils ont été arrêtés, la police les a désarmés.

Une foule s’est rapidement rassemblée autour d’eux.

La police a senti la pression ou elle s’est sentie menacée par la foule, et a relâché ces gars pour qu’ils se fassent tuer littéralement, a dit M. Mars. La foule leur a lancé des pierres et les a brûlé. Ça a été le début du mouvement.

Des vidéos de la scène captés par des cellulaires montrent la police haïtienne tenir des jeunes hommes au sol pendant que des civils leur lancent des roches. Des pneus sont ensuite empilés sur eux avant d’être incendiés. D’autres images montrent les restes carbonisés des hommes pris pour cibles.

Des manifestants dressent une barricade avec un pneu en feu non loin d'une station d'essence à Port-au-Prince.

Des citoyens dressent une barricade à Port-au-Prince. (Photo d’archives)

Photo : Associated Press / Odelyn Joseph

Ça dissipe le mythe de leur invincibilité, a indiqué M. Mars. Il a raconté que les membres du gang allié à Debussy ont aussi été attaqués par la population et qu’ils ont été tués un par un. Certains ont eu la chance de se faire arrêter et amener à la station de police, a-t-il précisé.

Des appels à une opération Operasyon File Manchet [Opération machette aiguisée] ont commencé à circuler dans les médias sociaux le 25 avril. Des églises évangéliques ont aussi répandu le message.

Ça a créé un mouvement partout dans la ville et même dans le pays, a expliqué M. Mars. Un mouvement avec la police devant et la population derrière.

La soif de vengeance

Les jours suivants, plusieurs secteurs de Port-au-Prince étaient sur un pied de guerre. Quand les gangs entraient dans un voisinage, les gens frappaient sur des casseroles pour alerter les autres.

La plupart des citoyens avaient juste des armes de poing pour se défendre contre les membres des gangs et leurs armes automatiques. Mais en leur lançant des roches à partir des toits, certains ont réussi à repousser les gangs.

Des foules sont passées à l’attaque et ont envahi des refuges abritant des membres de gangs. Certains ont même été traînés à l’extérieur de stations de police avant d’être tués dans la rue.

Deux policiers armés se tiennent au coin d'un édifice.

Les forces policières tentent tant bien que mal de combattre les gangs lourdement armés qui ont envahi une partie du pays.

Photo : Reuters / RALPH TEDY EROL

La haine est palpable dans les images captées par vidéo. Au cours des derniers mois, les gangs haïtiens ont violé massivement des femmes et des jeunes filles.

Ils ont kidnappé des enfants sur une base routinière et ont torturé leurs victimes. Ils ont extorqué des citoyens, même les plus pauvres, sans aucune pitié.

Certains membres de gangs sont forcés de confesser leurs crimes et affiliation sur vidéo par des citoyens avant d’être brûlés.

Les gouvernements réduits au rôle de spectateur

Le gouvernement Trudeau n’est pas insensible à ce qui se passe en ce moment. Le Canada est profondément préoccupé par le récent mouvement de population et l’escalade de la violence à Haïti, qui a pour origine l’augmentation des assassinats et des exécutions commis par les criminels, a dit un porte-parole d’Affaires mondiales Canada à CBC News.

Il a ajouté que le Canada met actuellement l’emphase sur le renforcement des capacités de la police nationale haïtienne.

Le premier ministre haïtien Ariel Henry a exprimé sa désapprobation du mouvement Bwa Kale lors d’une récente allocution. L’insécurité que nous vivons est épouvantable, a-t-il dit. Mais ne laissons pas les mauvais plans nous entraîner dans des jeux sordides.

« Je demande à mes compatriotes, peu importe ce qu’ils ont vécu aux mains des bandits, de rester calmes.  »

— Une citation de  Ariel Henry, premier ministre haïtien

<

p class= »e-p »>Il a également demandé à la population d’aider la police en partageant des informations sur des personnes suspectes.

Le premier ministre haïtien Ariel Henry en gros plan.

Le premier ministre haïtien Ariel Henry.

Photo : (Matias Delacroix/The Associated Press)

Mais la coopération entre Bwa Kale et la police va bien au-delà de l’échange d’informations. Des données cellulaires à Port-au-Prince montrent que la police et les civils sont engagés ensemble dans une bataille de rues contre les criminels. Leur coopération est très étroite et elle laisse le gouvernement en plan.

Certains semblent même avoir perdu espoir que le gouvernement haïtien puisse les aider. C’est le cas dans le secteur de Laboule 12, à Port-au-Prince, où un groupe de défense citoyen a été formé en réponse à la violence des gangs. Cette communauté demande l’aide du gouvernement depuis des mois et a finalement décidé de prendre les choses en mains.

C’est comme si le gouvernement tire profit du fait que le pays est perdu, a dit un citoyen de Laboule 12. Ils [les membres du gouvernement] sont toujours payés, ils achètent des Land Cruisers de l’année. Ils sont sous haute sécurité pendant que le reste de la population est abandonnée.

Des policiers pointent leurs armes.

Certains quartiers de Port-au-Prince sont sur un pied de guerre. (Photo d’archives)

Photo : (Odelyn Joseph/Associated Press)

Des conséquences dangereuses

Des groupes de défense citoyens formés pour combattre la criminalité en Colombie dans les années 1990 sont devenus de violents groupes paramilitaires qui volent des terres, déplacent des gens et s’adonnent au trafic de drogue.

Louis-Henri Mars craint qu’une chose semblable se produise à Haïti. En combattant les gangs, tu abandonnes les restrictions de propriété, les procédures, le contrôle de la violence par l’État. Ce mouvement peut engendrer plus de gangs. En général, quand tu as des groupes d’autodéfense citoyens, au fil des semaines et des mois, certains deviennent eux-mêmes des gangs.

En contrepartie, M. Mars partage l’optimisme que Bwa Kale a soulevé dans la capitale haïtienne pour la première fois en plusieurs années.

Quelque chose a changé. Il y a une fenêtre d’opportunité qui s’est ouverte. Maintenant, c’est à nous les Haïtiens d’en profiter et de bouger dans la bonne direction; pas à continuer de détruire, brûler et tuer.

– Avec les informations d’Evan Dyer, de CBC News

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Source :Radio Canada

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