Argentine : après Trump et Bolsonaro, Milei?

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Le phénomène est le même que dans deux autres grands pays des Amériques, les États-Unis et le Brésil. Un autre populiste de droite ou d’extrême droite, antisystème par surcroît, a de bonnes chances de prendre le pouvoir en Argentine dimanche.

C’est du jamais-vu dans ce pays gouverné depuis les années 1950 pratiquement par un seul parti, justicialiste ou péroniste, avec l’intervalle d’une dictature militaire. Il s’agit d’un pays instable, en crise, où, à quelques jours de l’élection, les gens craignent le pire.

En toile de fond, un taux d’inflation qui atteindra 143 % cette année, un des plus élevés au monde. Seuls s’en sortent ceux qui ont des économies ou des investissements en dollars américains. C’est la monnaie de fait en Argentine pour les grosses transactions, c’est-à-dire l’achat ou la location dans l’immobilier.

Les autres Argentins s’enfoncent de plus en plus dans la misère. Quand ils travaillent, les salaires sont insuffisants. Plus de 40 % des Argentins vivent dans la pauvreté ou dans le travail informel. Même les salariés dépendent de l’aide sociale et surtout des paroisses des bidonvilles, les zones urbanisées au cœur ou en périphérie des grandes villes.

Un homme referme un contenant de plastique dans lequel de la soupe a été versée.

Plus de 40 % des Argentins vivent sous le seuil de la pauvreté.

Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Leprince

Le père Lorenzo de Vedia, dit padre Toto, est le curé de la Villa 21-24, Barracas, une des paroisses de bidonville fondées en son temps par l’archevêque de Buenos Aires, Mario Bergoglio, devenu le pape François.

Sans les soupes populaires, les repas pour les écoliers et pour les personnes âgées, personne ne s’en sortirait en ce moment. C’est encore pire à l’intérieur du pays, dans les grandes villes comme Rosario ou Cordoba.

Pendant la pandémie, le gouvernement s’est endormi et il ne s’est toujours pas réveillé. Les gens travaillent à nouveau, mais les salaires sont trop bas. Ils ont tous besoin d’aide.

À la misère s’ajoute la violence du commerce et de la consommation de drogues. La police ne met jamais les pieds ici, explique le padre Toto. Il tient à nous accompagner partout par mesure de sécurité.

Une file d'attente devant une soupe populaire.

Dans certains quartiers, personne ne s’en sortirait sans les soupes populaires.

Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Leprince

La crise est grave, mais elle est contenue, affirme la journaliste Claudia Peiro. Le pays vit à crédit, au-dessus de ses moyens. Il s’endette encore auprès du Fonds monétaire international, de la Chine, et il semble encore espérer qu’il ne pourra jamais rembourser cette dette. Impossible, fait-elle remarquer.

Je crois que peu importe qui gagne l’élection, que ce soit Massa ou que ce soit Milei, la crise va éclater tôt ou tard.

Mme Peiro se questionne sur le degré de préparation des candidats, ce qui permettrait à la nation de ne pas voir la crise s’aggraver. Je vois plus d’expérience chez Massa. Je vois plus de possibilités d’éviter que ce soit une grande catastrophe, ajoute-t-elle.

La façade d'une petite église.

Pour la plupart des Argentins qui arrivent à travailler, les salaires sont insuffisants.

Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Leprince

Massa et les Kirchner

Sergio Massa est le ministre des Finances du gouvernement sortant d’Alberto Fernandez, dominé dans les faits par la vice-présidente, Cristina Fernandez de Kirchner, qui a succédé à feu son mari Nestor en 2007.

Le défi de Massa dans cette élection consiste à se distancer du kirchnerisme sans perdre ses votes, sa clientèle fidèle.

Le couple Kirchner est accusé de corruption massive pour enrichissement personnel et manœuvres politiques. Cristina est en appel d’une condamnation de six ans avec inéligibilité pour corruption. Elle est encore extrêmement populaire et Alberto Fernandez n’aurait jamais été élu sans elle.

Sergio Massa parle lors d'un débat.

Sergio Massa est le candidat de gauche à la présidentielle en Argentine.

Photo : Reuters

Nestor et Cristina Kirchner ont pris le pouvoir après la grande crise économique de 2001, qui a ravagé la société argentine lorsqu’une grande partie de la classe moyenne a perdu toutes ses économies quand le gouvernement a cessé de garantir la parité entre le dollar américain et le peso argentin.

Cette espèce de dollarisation manquée a traumatisé les Argentins jusqu’à cette campagne électorale. Pour ou contre une dollarisation – vraie, réussie – promise par Javier Milei?

Lion, mouton noir et chiens clonés

Avec sa folle crinière noire, Javier Milei s’identifie au lion, le roi des animaux. Économiste ultralibéral, il se décrit comme un anarcho-capitaliste. Volontiers mystique, il dit que Jésus l’a investi de la mission de devenir président.

Il dit qu’il communique avec l’au-delà grâce à Conan, son mastiff anglais adoré. Il a fait cloner son chien en cinq exemplaires qui portent chacun le nom d’un économiste ultralibéral, par exemple Milton (Friedman). Son principal conseiller est sa sœur, Karina.

Un panneau électoral est installé sur un toit.

« L’Argentine que nous espérions arrive », promet en espagnol un panneau publicitaire de Sergio Massa.

Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Leprince

Sa vie a été disséquée par le journaliste Juan Luis Gonzales dans El Loco, la vie méconnue de Javier Milei et son irruption dans la politique argentine.

Javier a été un enfant battu, malheureux, issu du quartier populaire d’Abasto, dans le centre de Buenos Aires. Abasto a vu naître Carlos Gardel, le maître du tango.

Javier Milei exhibe une tronçonneuse qui illustre son intention de sabrer dans les ministères, dans la fonction publique et dans la banque centrale pour privatiser le plus possible l’économie argentine.

Javier Milei tient une tronçonneuse dans ses mains.

On le traite de néofasciste, de misogyne ou d’antiféministe. Javier Milei est avant tout un provocateur qui bouleverse les façons traditionnelles de faire de la politique.

Photo : Getty Images / Tomas Cuesta

Pour Sergio Massa, au contraire, l’éducation gratuite, les services sociaux et les subventions aux services publics sont des vaches sacrées. Ce sont aussi des emplois protégés même s’ils sont trop nombreux et souvent inutiles. Cet électorat lui est garanti.

Président Milei?

Les Argentins sont très inquiets. Certains craignent l’issue du vote pour ce qu’ils risquent de perdre avec Milei; les autres redoutent la continuation de politiques économiques inefficaces et corrompues qui paralysent le pays et l’empêchent de se développer.

Une grande artère de Buenos Aires au crépuscule.

Buenos Aires est la plus grande ville de l’Argentine.

Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Leprince

Une telle perspective de rupture est inédite en Argentine. L’élection de Milei serait une vraie bombe.

Milei, l’anarcho-capitaliste, et Massa, le ministre, se sont récemment affrontés dans un dernier débat. Selon l’avis général, Massa a largement gagné le duel. Cependant, trois jours plus tard, étrangement, les intentions de vote n’ont pas bougé.

L’ex-président de droite Mauricio Macri s’est rallié à Javier Milei hier. Les maisons de sondages estiment que sept électeurs sur dix de la candidate Patricia Bullrich, qui a fini au troisième rang au premier tour, vont voter pour lui.

Patricia Bullrich lors d'une conférence de presse à Buenos Aires le 25 octobre 2023.

Battue au premier tour, la candidate de Juntos por el Cambio, Patricia Bullrich, a donné son appui à Javier Milei.

Photo : Getty Images / TOMAS CUESTA

Milei a donc de bonnes chances de l’emporter dimanche. Mais tout est encore possible.

En démonisant Milei, ses adversaires disent qu’un pays instable ne peut pas être gouverné par un président instable.

Les autres croient au contraire que ça prend un fou pour gouverner un pays tel que l’Argentine.

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Source :Radio Canada

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