Appel à l’aide du Deep Space Network de la NASA

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Le réseau d’antennes géantes qui assure les communications entre la Terre et l’espace lointain vieillit et peine à suffire à une demande croissante. Des experts s’inquiètent pour l’avenir du réseau inauguré il y a 60 ans.

Le programme Artemis est l’un des projets spatiaux de la NASA les plus ambitieux de la prochaine décennie. Il vise à renvoyer des astronautes sur la Lune, y compris la première femme à s’y rendre.

Bien que le programme suscite l’enthousiasme de plusieurs, il est source de préoccupations pour Suzanne Dodd, directrice de l’Interplanetary Network au Jet Propulsion Laboratory et responsable du Deep Space Network (le réseau de communications avec l’espace lointain).

Nous sommes au maximum de nos capacités. Nous gérons une quarantaine de missions et d’autres continuent de s’ajouter sans qu’on ait suffisamment de nouvelles antennes. Ça m’inquiète.

Portrait de Suzanne Dodd.

Suzanne Dodd est directrice du réseau interplanétaire au Jet Propulsion Laboratory, responsable du Deep Space Network.

Photo : NASA

Les ressources arrivent trop lentement par rapport aux exigences du calendrier d’Artemis, dit-elle.

Le Deep Space Network se compose de 13 antennes radio géantes réparties sur trois sites : Goldstone, aux États-Unis; Madrid, en Espagne; et Canberra, en Australie. Ce réseau envoie et reçoit des images, données scientifiques et informations permettant de faire fonctionner la flotte d’appareils et de vaisseaux disséminés dans le système solaire, que ce soit le télescope James Webb, les astromobiles sur Mars ou la sonde solaire Parker. C’est aussi grâce à ce réseau qu’il est possible d’entretenir l’appel longue distance ultime : entre la Terre et la sonde Voyager I, qui poursuit son voyage dans l’espace interstellaire.

Le réseau, dont la première antenne a précédé la création de la NASA, a été un pilier essentiel de toutes les grandes missions spatiales. Mais avec la multiplication des projets et des instruments de haute précision, la quantité de données échangées avec l’espace a explosé. Par exemple, le télescope James Webb transmet des données à un débit 50 fois supérieur à celui de son prédécesseur, Hubble.

Cet été, le bureau de l’inspecteur général de la NASA a lui aussi conclu que le réseau fonctionne en ce moment au maximum de ses capacités et qu’il est surchargé. La demande en transmission de données excède de 40 % la capacité du réseau, par moments. Mises ensemble, les missions de l’agence se sont vu refuser en cinq ans au moins 8500 heures et jusqu’à 15 000 heures (soit 625 jours) de temps d’antenne.

Les missions obtiennent le minimum de ce dont elles ont besoin. Elles n’ont pas ce qu’elles désirent. Nous ne mettons pas les vaisseaux à risque, nous pouvons les opérer, mais nous perdons beaucoup de science, et c’est ça, le compromis que nous devons faire en ce moment.

Plan aérien d'un complexe avec des antennes paraboliques.

Les installations du Deep Space Network de Canberra, en Australie.

Photo : NASA

Selon les études internes de l’agence, la demande devrait augmenter de façon considérable dans la prochaine décennie, avec une augmentation d’un facteur 10 d’ici le début des années 2030.

L’audit de l’inspecteur général précise que la demande excède la capacité du réseau depuis plus de 30 ans. C’est aussi le message que Suzanne Dodd martèle depuis des années.

Le Deep Space Network, c’est une infrastructure de communication. Ce n’est pas sexy, convient-elle. Ce ne sont pas des astronautes, ce n’est pas un télescope spatial. C’est facilement oublié, tant que ça fonctionne.

Or, ses infrastructures sont vieillissantes. Les entretenir requiert de longs arrêts et de plus en plus d’argent, note l’audit. C’est pratiquement de la jonglerie, à entendre Mme Dodd : Nous parvenons à maintenir toutes les balles en l’air, mais c’est plus difficile chaque année. On tient bon jusqu’à présent, mais si on maintient la cadence encore 5 ou 10 ans, ça pourrait ne pas durer.

En novembre 2022, Suzanne Dodd a vu ses craintes se confirmer lors du premier vol du nouveau programme lunaire, Artemis I.

La mission de 25 jours a nécessité 903 heures de temps d’antenne. À cela se sont ajoutées 871 heures pour le suivi de huit cube sats, des minisatellites gros comme des boîtes à chaussures, lancés comme charge secondaire. Pour y parvenir, il a fallu mettre en veille toutes les autres missions ainsi que l’entretien du réseau.

Ce n’est pas soutenable, affirme Mme Dodd. Nous devions faire le suivi de tous ces cube sats en plus du vaisseau. Nous n’avons pas les moyens de faire ce genre de chose!

Avec ses vols habités, Artemis exigera des ressources considérables du réseau afin d’assurer la sécurité des astronautes.

Artemis est la priorité. Les autres projets devront céder le passage pendant son opération. Est-ce que ça veut dire que nous allons perdre des données des autres missions? Probablement. Est-ce que cela pourrait leur nuire? Peut-être, peut-être pas. Mais si deux événements critiques surviennent en même temps, le réseau ne pourra pas supporter ça.

Une grande antenne parabolique.

Une antenne du Deep Space Network située dans le désert des Mojaves, en Californie.

Photo : NASA / Josh Krohn

De petits pas en avant

Des travaux sont toutefois en cours pour augmenter la capacité du réseau.

Le programme Deep Space Network Aperture Enhancement prévoit l’ajout de six antennes, dont certaines à plus haute fréquence, qui permettront d’augmenter le débit de données. Le tout devrait être fonctionnel en 2029, mais avec cinq ans de retard, et un dépassement des coûts de 70 %.

Aussi, la sonde Psyché, lancée le mois dernier en direction de la ceinture d’astéroïdes, permettra de tester la télécommunication par laser. En encodant l’information sur des ondes optiques à haute fréquence au lieu d’ondes radio, on pourra multiplier le débit par 10, voire par 100. Mais la technologie n’en est qu’à ses débuts, et elle ne suffira pas à combler les besoins immédiats, avertit Suzanne Dodd.

Je crois que nous avons réussi à obtenir l’attention de la NASA, et j’ai l’impression qu’à présent, tout le monde comprend la situation, mais personne n’a de solution qui entre dans les cases budgétaires de l’agence, observe-t-elle. Le budget de la NASA est très très serré.

Alors que faire?

Dans l’état actuel des choses, le Deep Space Network ne pourra pas supporter à lui seul toutes les missions à venir, réitère Mme Dodd. Nous avons besoin de collaborations internationales. Il faudrait aussi que des entreprises privées investissent dans la communication avec l’espace lointain.

Aucune de ces images incroyables – que ce soit les images de l’espace lointain de James Webb ou le premier pas sur la Lune, rien de tout cela – ne se rendrait à nous sans le Deep Space Network, fait valoir Suzanna Dodd. Alors, il est primordial de s’assurer qu’il reste en santé pour qu’il soit à la mesure de nos ambitions futures.

Un reportage de Binh An Vu Van à ce sujet sera présenté à l’émission Découverte, diffusée le dimanche à 18 h 30 sur ICI Télé et à 22 h sur ICI Explora, et le samedi à 19 h 30 sur ICI RDI.

Source :Radio Canada

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