
Alors que Donald Trump caracole en tête des sondages d’opinion des républicains pour devenir plus que probablement le candidat opposé à Joe Biden, le gouverneur de la Floride n’en finit pas de chuter dans les intentions de vote. Aujourd’hui, il accuserait un retard de 30 points sur son adversaire.
Pourtant, cela n’a pas toujours été comme ça. Lorsque Ron DeSantis remportait le 8 novembre dernier un confortable deuxième mandat à la tête du Sunshine State
, les intérêts se sont émoustillés chez les républicains.
Ce même soir-là, Donald Trump, le faiseur de rois
qui avait soutenu une ribambelle de candidats entièrement dévoués à sa cause dans l’espoir de rafler des dizaines de sièges à la Chambre des représentants et ravir le Sénat aux démocrates, recevait plusieurs gifles en plein visage.
Son pouvoir de sélection de candidats ne s’est traduit que par une petite poignée de sièges supplémentaires à la Chambre, mais surtout un renforcement de la courte majorité démocrate au Sénat.
Un protégé devenu ennemi de Trump
Avec l’entrée en scène d’un gouverneur républicain très conservateur, de 32 ans son cadet, tout auréolé de son succès électoral, l’ancien président défait commençait à voir d’un mauvais œil l’ascension d’un adversaire sérieux qui en plus a réussi à augmenter le contingent d’élus républicains en Floride.
Pour sa part, DeSantis devenait un candidat de substitution sérieux, respecté et surtout qui n’avait pas de casseroles politiques, de poursuites et autres enquêtes à ses trousses comme l’ancien locataire de la Maison-Blanche.
Deux phénomènes ont alors été observés et ont probablement eu les conséquences auxquelles font face les deux ennemis d’aujourd’hui.
D’abord, Donald Trump a fait ce qu’il sait faire de mieux : attaquer de front De Santis avec sa stratégie qui lui a souvent bien servi, particulièrement lors de la course à l’investiture de 2016. Trouver des sobriquets peu flatteurs est devenu la marque de commerce de Trump.
Rappelez-vous des Little Marco
(pour le sénateur floridien Marco Rubio), Lyin’ Ted
(pour le sénateur texan Ted Cruz) ou encore Low Energy Jeb
(pour Jeb Bush), qui ont tous été balayés par la tornade Trump. Pour DeSantis, ce fut Ron De Sanctimonious
.
Puis, récemment, Trump a fait flèche de tout bois contre le gouverneur parlant d’une piètre gestion de la Floride sous sa gouverne. Peu importe que ce soit vrai ou pas, plus il le répète, plus ses partisans le croient. Et ils sont puissants au sein du parti. Rappelons que la campagne pour l’investiture ressemble beaucoup à un concours de popularité.
DeSantis, son propre ennemi
Ensuite, l’autre problème, c’est que depuis son deuxième mandat, Ron DeSantis se pose en homme fort de la Floride avec une idéologie très campée à droite. This is where the wokeism dies
est l’un de ses slogans préférés pour galvaniser ses troupes. En bref, il veut combattre une sorte de bien-pensance
gauchisante qui veut laisser la liberté entre autres aux minorités sexuelles et autres de vivre comme bon leur semble.
Ainsi, les actions largement dictées par la croisade anti-woke
de Ron DeSantis se sont traduites par une série de politiques et de lois très radicales. Par exemple, il a encouragé les parents conservateurs à prendre le pouvoir au sein des conseils scolaires de la Floride pour qu’ils aient leurs mots à dire sur l’éducation de leurs enfants.
Ce qui a mené, sous sa gouverne, à l’interdiction de centaines de livres dans les bibliothèques scolaires parce qu’ils contenaient, selon eux, des passages au parfum de pornographie et autres contenus dérangeants parce qu’il était question d’homosexualité, de lesbianisme, de dysphorie du genre ou même de satanisme.
En ce sens, depuis des mois, il a aussi mené campagne contre l’empire Disney accusant l’entreprise d’être le diable en personne. Le conflit entre M. DeSantis et Disney a commencé en mars de l’année dernière, lorsque Disney s’est jointe à d’autres entreprises pour critiquer une loi contestée sur l’éducation de l’État qui, entre autres choses, interdit les discussions en classe sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre pour les jeunes élèves.
Le gouverneur républicain et ses alliés au sein de l’assemblée législative de Floride ont immédiatement commencé à attaquer Disney en la qualifiant d’entreprise fantôme
et se sont efforcés de restreindre l’autonomie dont elle jouit depuis longtemps dans l’État.
Un combat surréaliste qui a pris des proportions dantesques avec une riposte de Disney qui a intenté une action en justice en invoquant des représailles de la part du gouverneur et l’annulation illégale de contrats.
Sur le plan de l’accès à l’avortement, là aussi, Ron DeSantis a été radical en devenant un apôtre de l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse à partir de six semaines seulement.
Quant à sa vision sur les armes à feu, il a récemment signé une nouvelle loi donnant aux Floridiens le droit de porter des armes dissimulées sans permis. Une autre victoire législative pour lui, histoire de plaire aux républicains, dans le cas d’une campagne potentielle pour la présidence.
Mais autant de thèmes qui risquent de repousser un électorat en dehors du cercle conservateur. Un électorat pourtant nécessaire pour réussir à se hisser au-dessus de la mêlée.
Une personnalité abrasive
Histoire de montrer qu’il peut être autre chose qu’un gouverneur plénipotentiaire au sein de son État, Ron DeSantis a fait une tournée internationale en Israël, au Japon et au Royaume-Uni pour essayer de stimuler son envergure présidentiable. Malheureusement pour lui, son séjour en terres étrangères à la Floride ne lui a pas offert d’occasions de briller. Et il en est probablement responsable.
D’abord dans les endroits où il se produisait, les curieux sont loin d’avoir été séduits par les qualités oratoires et de présence sur scène du gouverneur floridien. Manquant d’énergie et de rythme pour mettre en valeur sa vision, Ron DeSantis a déçu.
Un discours peu convaincant et épouvantable pour certains spectateurs qui ont été même jusqu’à dire que personne dans la salle ne s’est dit : cet homme va aller loin
.
Manquant de charisme, d’humour, de charme, de répartie, les qualificatifs négatifs ne manquent pas lorsque certains parlent de l’adversaire potentiel de Trump dans cette course à l’investiture républicaine. Ses points de presse ont donné lieu à des réponses confrontationnelles du gouverneur face aux médias. Comme si à l’extérieur de sa bulle floridienne dans laquelle il exerce un certain contrôle, il était en déroute.
Devenu aussi une cible facile sur les réseaux sociaux avec ses mimiques caricaturales et sa combativité face aux médias qui le font, il faut le dire, mal paraître, Ron DeSantis ne parvient pas à convaincre ceux qui hésitent à le suivre et, pire encore, une partie de l’establishment républicain et de potentiels bailleurs de fonds pour une campagne à l’investiture.
Bientôt un sursaut salutaire ?
Les proches de Ron DeSantis parlent d’une déclaration de candidature imminente. Ce qui laisse à penser que le gouverneur, même en chute dans les sondages républicains, irait donc de l’avant, même si la côte risque d’être pénible à remonter. On voit mal comment il pourrait s’abstenir de se lancer dans la course.
Il pourrait cependant attirer de nouveaux appuis de certains qui attendaient qu’il se lance officiellement dans la mêlée, ce qui pourrait se traduire par une remontée dans les sondages. Une vraie campagne lui permettrait de se mettre davantage en évidence et de riposter enfin à l’ancien président, de le battre d’abord et dans l’espoir ensuite de pouvoir plus tard en découdre avec le président démocrate actuel. On est évidemment dans l’hypothèse la plus totale pour l’instant.
Mais, ce qui en fait jaser d’autres sur les chances réelles de Santis, c’est ce qu’il a réussi à faire la semaine dernière. Les législateurs de Floride ont en effet décidé d’exempter les candidats à la présidence et à la vice-présidence d’une loi de l’État qui stipule que les élus doivent démissionner pour se présenter à un autre poste, ouvrant ainsi la voie à M. DeSantis pour briguer la Maison-Blanche sans renoncer à son poste actuel de gouverneur.
Il n’en fallait pas plus pour que créer la perception qu’il assure ses arrières, alors que les pronostics ne sont pour l’instant pas très optimistes dans le combat face à Trump pour obtenir l’investiture républicaine.
En attendant, le Super PAC MAGA Inc de Donald Trump intensifie ses attaques contre Ron DeSantis, augmentant ses placements publicitaires anti-Desantis, portant le total des dépenses contre le gouverneur de Floride à environ 9,5 millions de dollars depuis le 29 mars dernier seulement.
Donc, le compteur tourne, et tout ce qu’espèrent ceux qui croient encore en Ron DeSantis, c’est que le vent fera de même, en faveur de leur poulain. Avant qu’il ne soit trop tard…