À Skellefteå, Northvolt a tout changé

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Lars Andersson n’en revient pas.

Lorsqu’il parcourt Skellefteå à bord de sa voiture de service un peu cabossée, il s’étonne en permanence des changements en cours dans sa ville natale.

Les nombreuses grues qui s’élèvent au-dessus de l’agglomération annoncent la couleur.

Des nouveaux quartiers sont sortis de terre en un temps record et les entreprises de construction tournent à plein régime.

Au volant, Lars montre du doigt les chantiers qui défilent devant sa fenêtre. Ici, à droite, on voit des appartements tout neufs et, plus loin, sur la gauche, d’autres sont en cours de construction.

Le journaliste travaille depuis 30 ans au quotidien local Norran. Depuis trois décennies, il rend compte des événements qui marquent la vie de cette ville moyenne du nord de la Suède. Une vie aujourd’hui radicalement transformée. La population, qui stagnait autour de 72 000, devrait atteindre les 90 000 d’ici 2030.

« Depuis quatre, cinq ans, le changement est radical. Personne ne s’attendait à ce que cela aille si vite. »

— Une citation de  Lars Andersson, journaliste au quotidien Norran, Skellefteå
Lars Andersson, journaliste au quotidien Norran, SkellefteåLars Andersson, journaliste au quotidien Norran, SkellefteåPhoto : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Lars évoque l’arrivée d’une école internationale, symbole d’une ouverture sur le monde, alors que la ville accueille maintenant des gens d’une centaine de nationalités différentes. Il y a 20 ans, tout le monde se connaissait ici, dit-il avec un sourire. Maintenant, on voit de nouveaux visages; on entend de nouvelles langues qu’on ne comprend pas.

Une usine géante

Une transformation qui coïncide avec l’arrivée du fabricant de batteries Northvolt qui a installé ici sa première giga-usine. C’est une installation monumentale qui s’étend sur 2 millions de mètres carrés.

Une ruche bourdonnante où s’activent en permanence les bulldozers, car l’endroit est un chantier perpétuel. À côté de la première unité de fabrication, d’autres sont en construction en une série de phases successives d’une montée en puissance planifiée.

Car les fondateurs de Northvolt, comme Paolo Cerruti et Peter Carlsson, voient grand. Tous deux anciens de Tesla, ils présentent leurs sites de production comme des giga-usines empruntant le vocabulaire de leur ancien employeur.

« La batterie est une industrie d’échelle. Pour rentabiliser une usine de batterie, il faut véritablement de la grande échelle. Or, en termes de capacité, il y a déjà un déficit. Et donc ça, ça demande des usines de très grande taille. »

— Une citation de  Paolo Cerruti, cofondateur et PDG Amérique du Nord de Northvolt
Paolo Cerruti, cofondateur et PDG Amérique du Nord de Northvolt.Paolo Cerruti, cofondateur et PDG Amérique du Nord de Northvolt.Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

L’Italien, qui s’exprime dans un français parfait, ne cache pas sa fierté lorsqu’il fait visiter son usine au pas de charge. L’endroit est propre comme un sou neuf. À travers une série de vitres, on peut apercevoir des employés, masqués et vêtus de combinaisons blanches, entourés d’une série d’immenses appareils qui semblent tout droit sortis d’un film de science-fiction. Ils travaillent dans des salles stériles. Le processus de fabrication s’apparente à celui des semi-conducteurs où l’ennemi est la poussière.

La fabrication des batteries nécessite un environnement sans poussière.La fabrication des batteries nécessite un environnement sans poussière.Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Ce que l’on a ici est une copie de ce que l’on va construire au Canada, explique Paolo Cerruti. Une superficie similaire; un nombre d’emplois créés équivalent. Une visite de Skellefteå donne donc un avant-goût de ce qui attend les résidents de la Montérégie.

Et les dirigeants de la ville partagent volontiers leur expérience. Je crois qu’il faut être prêt pour un tel investissement, explique Helena Renström, directrice du marketing de Skellefteå. Il faut avoir fait les plans d’avance.

« Le principal défi est que tout s’est produit très vite. C’est un revirement total pour la ville. »

— Une citation de  Kristina Sundin Jonsson, gestionnaire de la municipalité
Les employés profitent de leur pause dîner. Les employés profitent de leur pause dîner. Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Les clés du développement

De fait, théâtre d’une ruée vers l’or au début du siècle dernier, la ville périclitait depuis des années, confrontée, comme bien d’autres, à un exode des jeunes. Face à l’inéluctable, Skellefteå a décidé de prendre en main sa destinée. Les dirigeants ont rapidement pris conscience qu’ils avaient en main tous les atouts. Fait rare, la municipalité possède en effet le port, l’aéroport et la compagnie locale d’électricité. Autant de leviers essentiels au développement.

À Skellefteå, l’aéroport appartient à la municipalité.À Skellefteå, l’aéroport appartient à la municipalité.Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Il y a quinze ans, quand nous avons été forcés de reprendre l’aéroport que l’État abandonnait, nous n’étions pas très heureux, raconte Kristina Sundin Jonsson. Mais avec le recul, la gestionnaire réalise qu’avoir le contrôle de ces leviers s’est révélé un facteur clé de la relance. On peut être très flexibles et en position de prendre des décisions rapidement. Quand la municipalité promet quelque chose, cela se produit.

Nous avons développé une stratégie de développement basée sur nos atouts, explique le directeur de la planification Lars Hedqvist. Nous avions une bonne base industrielle, de grands terrains vacants, un surplus d’énergie verte grâce à notre compagnie d’électricité. Donc, nous avions tout ce qu’il fallait pour croître rapidement.

Lars Hedqvist, directeur de la planification à Skellefteå.Lars Hedqvist, directeur de la planification à SkellefteåPhoto : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Restait le morceau le plus important du puzzle : l’adhésion populaire.

Il est très important d’inclure la population; de discuter, d’instaurer un dialogue, explique Helena Renström. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit être d’accord, mais tout le monde doit être inclus et écouté.

« On ne peut pas faire les choses seul. On doit les faire ensemble. Sinon on n’y arrivera pas. »

— Une citation de  Helena Renström, directrice du marketing de Skellefteå

Bien avant que Northvolt n’entre en scène, les habitants de la ville avaient déjà été longuement consultés, invités à se prononcer sur leur vision de l’avenir lors de forums citoyens destinés à établir les priorités, mais aussi l’identité de la ville et de ses résidents. Un processus qui a permis d’établir non seulement un positionnement stratégique pour la ville, mais qui a aussi mené, selon la directrice du marketing, à une sorte de transformation mentale. Les citoyens ont développé une grande fierté de ce qu’ils étaient quand ils ont réalisé ce dont ils étaient capables.

Helena Renström, directrice du marketing à Skellefteå. Helena Renström, directrice du marketing à Skellefteå. Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

L’axe du développement durable tombait sous le sens dans une région entourée de forêts où tout est construit en bois; du grand pont sur la rivière Skellefteålven jusqu’à la tour de contrôle de l’aéroport. Nous avons déterminé que les jeunes générations voulaient faire partie de la transition écologique, explique Helena Renström. Et que les inclure dans cette grande aventure était un bon moyen de les garder ou de les faire revenir.

Ce n’est qu’au terme de ce long processus qu’ont commencé les démarches pour faire venir Northvolt.

Pour répondre à la crise du logement, il faut construire 1000 nouvelles habitations par an. Pour répondre à la crise du logement, il faut construire 1000 nouvelles habitations par an. Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Une façon de procéder qui a mieux préparé le terrain pour les nombreux défis qui ont suivi. La ville fait aujourd’hui face à une vertigineuse hausse de sa population, estimée à 25 % d’ici 2030. Un accroissement soudain qui a engendré une sérieuse crise du logement.

Nous construisions auparavant une centaine de nouveaux logements par an, explique Lars Hedqvist, nous allons maintenant devoir en faire au moins mille, donc multiplier par 10. Sans compter l’eau, les égouts, les écoles…

Skellefteå s’est transformé en un gigantesque chantier de construction. Skellefteå s’est transformé en un gigantesque chantier de construction. Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

<

p class= »e-p »>De grands dérangements qui ne sont pas sans créer quelques frictions. Lars Andersson cite en vrac des critiques concernant la hausse des prix et de la criminalité, et les arbres qu’il a fallu couper. Mais le journaliste, en contact constant avec la population, estime que le sentiment général partagé par l’essentiel des citoyens de Skellefteå est celui d’une grande fierté.

C’est historique, et c’est génial, explique-t-il. Nous avons été les premiers en Europe. Alors, bien sûr, quand on est les premiers, on fait face à quelques problèmes. Mais on les accepte car on est fiers d’être des pionniers.

Un aperçu de Skelleteå.Un aperçu de Skelleteå.Photo : Radio-Canada / Frédéric Lafleur

Source :Radio Canada

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